philo Z'amis
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| Philosopher. | |
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Thierry ****
| Sujet: Réalité signifiante et réel. Dim 28 Fév - 21:01 | |
| http://la-haut.e-monsite.com/blog,la-realite-signifiante-et-le-reel,217615.html
Réalité matérielle.
Réalité signifiante.
Réel.
L'ordinateur sur lequel je travaille existe. Je ne peux pas le nier, il est là, dans sa matérialité. Il disparaîtra d'ailleurs quand il ne fonctionnera plus, c'est à dire lorsque ce que pour quoi il a été créé ne lui concèdera plus ce statut de "réalité matérielle".
Cette réalité matérielle est générée par nos besoins. Certains sont vraiment essentiels, d'autres très superficiels. Cette réalité matérielle a une telle incidence sur notre vie quotidienne qu'elle finit même par influer sur les phénomènes liés à la "réalité signifiante".
Notre conscience dispose de deux manières pour se représenter le monde. L'une correspond à la représentation exacte d'une réalité connue, la réalité matérielle, l'autre symbolise la perception intérieure de quelque chose d'impossible à voir.
Cet ordinateur n'aurait aucune réalité signifiante pour un Mentawais ou un Aborigène. Il faudrait qu'ils changent leur représentation intérieure pour que cette réalité matérielle devienne tangible et prenne du sens. De la même façon, dans la jungle de Bornéo, nous serions confrontés à une réalité matérielle (environnementale) tellement déstabilisante que nous n'y trouverions qu'une durée de vie très limitée...
La réalité du monde n'est pas la même pour tous.
La réalité signifiante a tendance à unifier les individus les uns aux autres. Il s'agit du monde des significations construites par la pensée, par l'intermédiaire du langage, de l'imaginaire social institué, de l'imaginaire religieux ou de l'inconscient collectif, cette fabuleuse "matrice" qui agit sur nous comme un virus indécelable.
Ce monde est un espace signifiant et limité par des cadres très précis.
Dans la réalité signifiante, nous fonctionnons par accumulation de savoirs et par l'analyse rationnelle des phénomènes. C'est un monde conceptuel indispensable pour créer du sens. Les hommes y trouvent bien entendu toutes les marques d'appartenance qui leur sont si chères...Chacun se reconnaît et s'identifie à diverses catégories de sens. Les castes, les groupes, les peuples y prennent forme, nourris par les religions, les philososophies, les comportements sociaux, les idéaux, les fanatismes...
La réalité matérielle a une influence considérable sur cette réalité signifiante. Il est reconnu par les Occidentaux par exemple que la BMW apporte une image sociale ou mieux encore la Rollex...Le matériel permet d'entrer dans une catégorie et d'être reconnu. Le signifiant que l'homme a donné à cette réalité matérielle qui n'en avait pas à priori a fini par apporter à cette réalité matérielle un pouvoir d'unfluence sur la réalité signifiante...Etrange échange de "bons" procédés qui s'entretiennent et sont renforcés à tous prix (très cher le prix bien entendu...). Les "maîtres" de la réalité signifiante savent user de la dialectique, des médias, de la "people attitude" pour abreuver la réalité matérielle et manipuler les masses.
"J'existe parce que je possède une belle maison, que je roule en BMW et que je donne l'heure avec une Rollex. J'aime cette réalité signifiante et j'y adhère corps et âme. Et tant pis pour ceux qui doivent se contenter d'un HLM, d'une 4L et de la pendule de la cuisine. Nous ne sommes pas du même monde, nous n'avons pas les mêmes valeurs."
La mondialisation est une oeuvre de déliquescence intellectuelle. Elle consiste à construire une réalité signifiante planétaire. L'imagination doit être restreinte afin de répondre aux lois du marché. L'inconscient collectif se doit d'être régulé à des fins bien précises.
La création artistique elle-même entre dans des cadres de reconnaissance très précis. La rentabilité est son tuteur. A moins de créer pour soi et de ne pas chercher à diffuser aux autres étant donné que ça nécessite des structures financières, économiques, concurrentielles.
Soit on l'accepte, soit on créé pour son propre bonheur. Ultime liberté ?
Cette création solitaire favorise l'émergence d'une autre conscience. En s'extirpant des modèles et des phénomènes générés par la réalité signifiante, l'individu peut accéder à une dimension spirituelle qui n'est pas gangrénée par la pensée commune.
C'est là qu'apparaît le réel. Il a toujours été là d'ailleurs. Mais on ne le voyait plus.
Le réel serait donc ce qui reste lorsque la réalité matérielle aurait retrouvé sa place originale, qu'elle ne servirait plus à constituer une réalité signifiante dissimulant des objectifs innommés...Je devrais par conséquent jeter cet ordinateur portable qui n'a aucune nécessité autre que celle que je lui ai donnée, cette réalité qui me permet d'entrer en contact avec quelques uns de mes semblables et de leur proposer cette réflexion qui me valorise...Hum, hum...La réalité signifiante de cet appareil est donc de me permettre d'exister dans une réalité que j'ai créée à des fins peu louables...Je me suis fait piéger...J'aurais mieux fait d'aller voir mes voisins immédiats, d'allumer un feu de camp, de les inviter à discuter sous les étoiles. Pas d'ordinateur, pas d'électricité, pas d'abonnement téléphonique et d'ADSL...Ah, l'ADSL, mais comment j'ai pu vivre sans ça pendant aussi longtemps ?...Autrefois ils faisaient une veillée auprès de la cheminée. Les Anciens racontaient des histoires, les enfants grandissaient dans la réalité signifiante de leurs aînés. Une réalité signifiante aussi simple que la réalité matérielle...D'ailleurs, nous aussi on aime ces vieux refuges de montagne avec leur vieux poêle à bois.
Mais on ne resterait pas y vivre.
Qu'est-ce qui s'est passé ?
Pourquoi a-t-on laissé le réel disparaître ? Pourquoi la réalité matérielle a-t-elle pris une place si importante que la réalité signifiante s'en nourrit et simultanément l'entretient ?
C'est la perte du silence.
"Nous ne nous connaissons pas encore parce que nous n'avons pas encore commencé à nous taire ensemble." Albert Camus.
Aujourd'hui, des gens partent dans des retraites bouddhistes ou autres pour entrer dans le silence, dans la méditation, dans la quête spirituelle...Je commence à craindre dans tout ce mouvement l'apparition d'une réalité signifiante peu glorieuse, une recherche identitaire pour combler un vide bien compréhensible. "Tu sais quoi, maintenant je suis Bouddhiste, tu sais, tu devrais t'y mettre, c'est vraiment chouette..."
Les lois du marché ne sont jamais loin de ce genre de "quête"... Robe rouge, tonsure, sandales et moulins à prières, stages et séminaires, conférences, livres et DVD...Bon, j'exagère...Un peu...Il y a bien entendu des gens honnêtes...Un peu...
Alors, où il est ce réel ? Comment je dois m'y prendre pour rétablir l'équilibre entre une réalité matérielle qui doit être à mon service et non l'iverse, comment je dois m'y prendre pour me nettoyer des réalités signifiantes (et souvent insignifiantes...) qui me servent de balises ou de projecteurs ?
Le silence.
Le silence du monde, de la nature, des espaces vides d'hommes ou tout du moins de tout ce qui aujourd'hui représente l'homme.
Pas de séminaires bouddhistes, taoistes, zen, zazen, pas d'églises catholiques, protestantes, musulmanes, scientologistes, survivalistes, et autres dérives en tous genres.
Le silence du désert, le silence des montagnes, de l'Océan, des forêts profondes.
Un feu de camp sous la lune et les étoiles. Peut-être un autre voyageur qui viendra attiré par les flammes, la chaleur, la communion d'âmes. Ils parleront d'autres territoires, des baies qu'il a trouvées sur la piste, du poisson qu'il a pris, de la cabane qu'il va construire, des villes qu'il a aperçues au loin, sous le brouillard...
Nous vivons dans la cacophonie de nos cerveaux rentabilisés par des réalités signifiantes. Et dedans ça cause en permanence.
L'humanité s'est perdue en perdant le silence. Et chaque individu devrait apprendre à se taire. Pour enfin découvrir qui est à l'intérieur. | |
| | | dombom *****
| Sujet: Re: Philosopher. Lun 1 Mar - 8:09 | |
| Mais pourquoi devrais-je : "jeter cet ordinateur portable qui n'a aucune nécessité autre que celle que je lui ai donnée, cette réalité qui me permet d'entrer en contact avec quelques uns de mes semblables" ? Si je ne lui accorde que l'importance d'un "outil" de communication me permettant d'élargir mon champ de connaissances, il a une utilité (sinon une signification). je peux m'en passer et même survivre sans lui, mais je n'hésite pas à l'utiliser comme tout ce qui est tombé sous la main de l' homme depuis le premier silex. | |
| | | Nelly Admin
| Sujet: Re: Philosopher. Lun 1 Mar - 8:36 | |
| - Thierry a écrit:
- Je me suis fait piéger...J'aurais mieux fait d'aller voir mes voisins immédiats, d'allumer un feu de camp, de les inviter à discuter sous les étoiles.
Qu'est-ce qui t'empêche de faire les deux ? A partir du moment où tu en prends conscience, il n'y a plus de piège. Ca devient ton choix. - Thierry a écrit:
- Pas d'ordinateur, pas d'électricité, pas d'abonnement téléphonique et d'ADSL...Ah, l'ADSL, mais comment j'ai pu vivre sans ça pendant aussi longtemps ?...Autrefois ils faisaient une veillée auprès de la cheminée. Les Anciens racontaient des histoires, les enfants grandissaient dans la réalité signifiante de leurs aînés. Une réalité signifiante aussi simple que la réalité matérielle...D'ailleurs, nous aussi on aime ces vieux refuges de montagne avec leur vieux poêle à bois.
Mais on ne resterait pas y vivre. Parce que notre civilisation nous a habitués à autre chose. Parce que nous avons évolué. - Thierry a écrit:
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
Pourquoi a-t-on laissé le réel disparaître ? Pourquoi la réalité matérielle a-t-elle pris une place si importante que la réalité signifiante s'en nourrit et simultanément l'entretient ?
C'est la perte du silence.
"Nous ne nous connaissons pas encore parce que nous n'avons pas encore commencé à nous taire ensemble." Albert Camus. C'est parce que nous ne nous connaissons pas assez que nous ne savons pas nous taire ensemble ! Le silence, fut-il commun, peut être agréable pendant un moment, à condition d'être suffisamment à l'aise avec ceux qui nous entourent. Et qu'est-ce qui est réel ? Ce qui était ou ce qui est ? Pourquoi ce qui précédait serait-il plus exact que ce qui est arrivé ensuite, avec la modernité ? Pourquoi ne pas profiter de ce qui nous est offert et que nous apprécions ? Nous aurions perdu notre âme ? - Thierry a écrit:
- Alors, où il est ce réel ? Comment je dois m'y prendre pour rétablir l'équilibre entre une réalité matérielle qui doit être à mon service et non l'iverse, comment je dois m'y prendre pour me nettoyer des réalités signifiantes (et souvent insignifiantes...) qui me servent de balises ou de projecteurs ?
Crois-tu que tu serais plus équilibré si tu te retrouvais dans l'antiquité, à l'âge de pierre ? Tu ne saurais ni lire, ni écrire. Tu fonctionnerais à l'instinct, presque comme un animal sauvage. Serait-ce préférable ? - Thierry a écrit:
- Le silence du désert, le silence des montagnes, de l'Océan, des forêts profondes.
Mais on peut apprécier sans s'y perdre. - Thierry a écrit:
- Nous vivons dans la cacophonie de nos cerveaux rentabilisés par des réalités signifiantes. Et dedans ça cause en permanence.
Sans doute y a-t-il des batailles dans nos cerveaux. A nous d'y mettre bon ordre et de gérer nos priorités. - Thierry a écrit:
- L'humanité s'est perdue en perdant le silence. Et chaque individu devrait apprendre à se taire. Pour enfin découvrir qui est à l'intérieur.
Encore faut-il qu'il en ait envie. | |
| | | Brumes ******
| Sujet: Re: Philosopher. Lun 1 Mar - 15:10 | |
| Thierry, Ton cheminement de pensées me rappelle des périodes anciennes, parfois nostalgiques où "la jeunesse a une grande part de responsabilité" !
Faut-il regretter ce temps perdu ? Pas si sûr. Il faudrait aussi oublier ce que nous savons aujourd'hui, tout ce qui nous entoure de A à Z.
Il est inéluctable "d'avancer", l'homme est ainsi fait. Quelques uns se trouvent mieux dans un retour soi-disant en arrière... mais ils ont l'avion, le portable etc. sous la main. (Il y a un peu de lavage de cerveau dans l'air)
Nier et rejeter totalement ce qui nous entoure peut être aussi dangereux que ne pas l'accepter dans ce qu'il a de bien. Il faut parfois faire le tri, c'est vrai.
Essayer de faire pour le mieux, essayer de faire quelque chose de positif dans sa vie... et préparer le futur pour qu'il soit le meilleur possible. Utopie, mais qui ne tente rien...
Prendre les leçons du passé, mais l'œil tourné vers l'avenir. La tête dans les étoiles, les pieds sur terre ! | |
| | | Thierry ****
| Sujet: Re: Philosopher. Lun 1 Mar - 17:08 | |
| Ce texte n'était pas du tout un appel à la cromagnitude ^^ J'ai un VTT ultra performant, des sacoches de vélo imperméables, des skis de rando ultra légers, des vêtements de montagne techniques ultra résistant etc...J'ai le projet d'acheter un camping car pour reprendre les voyages...J'ai un ordi portable qui m'apporte beaucoup... Je ne rejette absolument pas le progrès, je m'en sers, je l'aime, je sais tout ce qu'il m'apporte et je ne voudrais pas de la difficulté de vie de ma grand-mère par exemple. Elle a travaillé toute sa vie, sans jamais prendre de vacances, sans jamais voyager, ni faire de sport, c'atait une époque très dure. Je n'en voudrais pas. Je crains juste que l'équilibre soit rompu pour beaucoup de monde et que cette humanité se soit lancée à corps perdu (à âmes perdues) dans une croissance matérielle, l'adhésion à des fonctionnements stéréotypés, en laissant de côté une dimension spirituelle qui lui tend pourtant les bras au vu de cette qualité de vie à laquelle nous sommes parvenus. Et je trouve ça vraiment dommage. Comme un cadeau qu'on délaisserait. | |
| | | Brumes ******
| Sujet: Re: Philosopher. Lun 1 Mar - 18:29 | |
| Le juste milieu est difficile. Nous nous projetons dans le passé avec nos connaissances et notre façon de vivre actuelles. Ta grand mère ne voyait pas vraiment la dureté de l'époque. Elle était "dedans". C'était normal. Pendant très longtemps on ne parlait pas de week-end, de congés payés (1936). Les parents payaient le patron qui voulait bien apprendre un métier au fils et tant d'autres choses. Les voyages ? Il y a toujours eu des aventuriers, certains sont très célèbres. Mais le commun des mortels n'y pensait même pas, il n'était donc pas privé. Dans 20 ans 2010 paraîtra bien arrièré et pourtant ce que nous ne connaissons pas aujourd'hui ne nous manque pas... Penses-y plus tard... Nous en reparlerons ! Actuellement, c'est la période de la "société de consommation et de loisirs". Toutefois, on revient à un peu plus de naturel, mais du naturel à notre manière. Ce ne sera plus comme avant Tu as raison de profiter de la nature et la faire apprécier à tes enfants. Elle aussi, dans 20 ans, ne sera plus la même. C'est très certainement l'individu lui-même qui doit faire ces incursions anti-matérialistes, le temps de goûter à autre chose et de savoir qu'on peut retrouver le temps perdu et l'avant-garde Quand on veut. Un peu comme l'acteur qui va en prison le temps d'un film mais qui sait qu'il en sortira dans 1h30 ! | |
| | | Thierry ****
| Sujet: Le silence Dim 7 Mar - 17:24 | |
| "L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant...Quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue parce qu'il sait qu'il meurt et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée." Blaise Pascal.
Il vaut toujours mieux être un roseau pensant qu’un bouleau obtus. Pascal n’irait pas contredire La Fontaine.
La pensée est à la source de tous nos actes même ceux qui sont inconscients. Il ne s’agit que d’une pensée inconsciente…Quand à l’instinct il a bien fallu que les actes qui en découlent soient un jour pensés par un de nos nombreux ancêtres pour prendre place dans notre cerveau reptilien…
On dit parfois qu’on doit avoir un comportement digne. Mais ce comportement n’est que la résultante de nos pensées. Dès lors que nous entrons dans le phénomène de la pensée, nous sortons simultanément du calice. Nous considérons que la vision macroscopique, ce regard intelligent et intelligible, cette transmission de notre analyse ou le monologue intérieur sont des saisies indéniables de la vie.
Nulle critique envers ce travail. Il est indispensable. Sans cette pensée, nous ne serions que des outres vides. Des enveloppes ayant délaissé le contenant possible.
C’est inconcevable. D’autant plus que non seulement nous ne cessons de penser mais bien souvent nous pensons à « l’insu de notre plein gré »…
Et c’est là que surgit le problème.
Peut-on parler comme Pascal de « dignité » lorsque nous constatons à maintes reprises, avec un minimum de vigilance, que ce phénomène de la pensée nous échappe et s’établit parfois sans que nous parvenions à le maîtriser ?
Combien de fois n’avons-nous pas souffert de ce sommeil insaisissable sous le feu ardent des pensées volages ?
Nous devrions être digne de ne pas être maîtres de nous-mêmes ?
Bien entendu que Pascal parlait de la portée inestimable de ses pensées, de la force et la profondeur de ses raisonnements. Mais nous ne sommes pas des Blaise Pascal…
Nous ne sommes pas ces maîtres spirituels qui usent avec une justesse inégalable de leur capacité à penser ou bien à s’extraire dans la méditation du maelström inépuisable des neurones tourbillonnants.
Mais nous, à notre humble niveau, nous ne pouvons pas honnêtement être dignes de cette faiblesse chronique qui nous ronge et nous perturbe.
Qu’en est-il du silence ?
Le silence porte en lui la conscience de la vie. Pas son commentaire intellectuel, philosophique ou spirituel mais sa réception totale, immédiate, épurée. Les pensées peuvent commenter la vie mais dès lors elles l’observent avec une certaine prétention, avec cette satisfaction du chercheur…Mais celui-là n’est pas au cœur de la vie. Il n’est plus qu’un chirurgien qui autopsie.
Nous devons apprendre le silence, nous devons apprendre à nous taire. Intérieurement.
On n’entend rien dans ce tohu-bohu. Nous vivons comme dans un poste radio où les ondes s’interfèrent. Chaque émission veut prendre la place, chaque musique s’impose, chaque parole se répète, c’est une cacophonie indescriptible. Il faut que ça cesse. C’est à partir du silence que nous pourrons apprendre à parler. Comme s’il restait à chaque fois que nous lançons en nous un cheminement intellectuel, une grotte, un antre ou un calice, un refuge à rejoindre comme un ressourcement possible. Il faut s’aventurer avec parcimonie, ne pas aller trop loin, ne pas se lancer sur plusieurs routes, éviter les croisements pour viser sans détour l’horizon. Et revenir à chaque fois dans le cocon originel du silence.
C’est un retour à la Nature qui se propose. Nos vies modernes sont saturées de bruits et d’attirances. Nos rencontres, nos proches, nos voisins, la rumeur de la ville, la télé, la radio, les MP3, nos téléphones, les avions, les voitures, le chien qui braille, le coq qui chante, cet environnement carcéral qui ceint nos oreilles et déverse en nous une boue tonitruante de bruits incessants.
Qui donc peut se targuer de vivre dans le silence ?
Où peut-on le retrouver ?
N’y a t- il pas en nous une habitude perverse de cette houle d’océan comme une dépendance, une angoisse même si l’étendue venait à se taire ? N’entretenons-nous pas inconsciemment ce ressac indocile, ces vagues grondantes comme des poisons renouvelés ?
J’en ai vu bien souvent des randonneurs qui avançaient dans des paysages paisibles comme en terrain hostile et lançaient à vaux l’eau des verbiages futiles, comme pour combler ce silence assommant.
Je n’y ai perçu aucune dignité…
Ca pensait à tue-tête et c’est ma tête qu’ils tuaient.
Nous apprendrons à penser quand nous aurons appris le silence.
Je pense (et, oui, là, pour l’instant, je n’ai pas le choix…) à ce petit enfant, ce petit d’homme à qui tous les adultes qui l’entourent et l’accompagnent s’efforcent de le remplir de connaissances, à le plonger dans les expériences de la vie. Rien à redire. C’est l’adulte qui se construit. Mais il y manque trop souvent l’amour du silence. Le silence en soi, quand la paix retombe, avant même que le sommeil l’enveloppe, cet abandon délicieux dans le calice, là où se tient tapie la conscience muette de l’amour de la vie.
Bienheureux l’enfant qui un jour s’assoit seul au sommet d’une colline et dans le silence intérieur perçoit la rotation de la Terre.
Celui-là peut être digne. | |
| | | Thierry ****
| Sujet: La mort Dim 7 Mar - 17:27 | |
| La mort.
De quoi devrions-nous nous plaindre ?
Ce qui nous effraie le plus fait en sorte que lorsqu’elle sera là, nous n’y serons plus.
Fantastique création.
Imaginons un instant que nous découvrions la mort tout en restant vivant. Là, on pourrait se plaindre. Ca serait par exemple la putréfaction de notre corps mais sans que nous ayons été privés de notre conscience. Là, effectivement, on aurait de quoi gémir. Mourir de son vivant. Plus aucun mouvement, aucun battement cardiaque, rien, le sang figé, la peau glacée, rigidité du cadavre.
Mais en totale conscience. Durant un temps infini.
La création s’est arrangée pour nous épargner ça. Et nous parvenons encore à lui reprocher la sentence finale. Incroyable mésestime.
Nous sommes là. Puis nous n’y sommes plus. L’espace et la durée entre les deux peuvent bien entendu être diversement éprouvés. C’est là que se trouvent les difficultés. Pas dans le basculement lui-même.
D’ailleurs, étrangement, nous ne sommes pas angoissés de ce que nous étions avant notre naissance. Quel était mon visage avant la naissance de mes parents ?
Absurde ? En quoi serait-ce plus absurde que cette angoisse du « néant » que nous imaginons après la mort ? Est-ce qu’avant ma naissance j’étais mort ? Où étais-je ? Nulle part ? Il n’y avait rien de moi ? Des éléments séparés dans les corps de mes parents ? Rien d’autre ? Vraiment ? Qui en est certain ? Les mêmes qui disent qu’après la mort il n’y a rien ? Ou un Paradis ? Ou une réincarnation ? Ou un enfer ? Des chromosomes, uniquement ça ? D’où vient l’énergie qui les anime ?
Rien, il n’y a rien d’autre que le néant de notre « inconnaissance. »
Et à chaque réponse, à chaque avancée, s’agrandit proportionnellement la distance à parcourir.
De quoi devrions-nous nous plaindre ? Il reste tellement de chemin à faire. Rien n’est plus déstabilisant, voire déprimant, qu’un voyage achevé. Celui-là, nous n’en connaissons pas la fin. Nous savons uniquement qu’à un moment il se passe quelque chose de totalement nouveau.
Quelque soit la direction que prend notre imagination, ça n’est toujours qu’une excroissance de notre mental et de tous les a priori, les conditionnements, les cultures, les histoires, les religions, les éducations que nous transportons.
Il n’y a rien de réel. Ni, pour avant ma naissance, ni, pour après ma mort.
Et là, maintenant, qu’y a-t-il de réel ? Tiens, c’est vrai que la question peut paraître absurde elle aussi.
Moi. Je suis réel. C’est indéniable. D’ailleurs si je mourrais je ne serais plus là, c’est donc que je suis réel. Ah, mais non, ça ne tient pas ça étant donné que je ne sais pas ce que je serai après la mort. Je ne peux donc pas me convaincre d’être réel en usant de l’image que j’ai de la mort. Imaginons qu’après la mort je sois dans un état de conscience beaucoup plus profond que celui de mon « vivant ». J’aurais l’air malin d’avoir affirmé que j’étais réel en étant vivant…Ca n’est peut-être ici qu’une antichambre de la conscience, une certaine forme d’hallucination collective dont la mort est la sortie. C’est ensuite que s’ouvre le monde réel.
Oui, mais tout ça n’est encore une fois qu’un amalgame d’hypothèses, un jeu intellectuel, une rhétorique qui me détourne de l’objectif.
Puisque je ne connais pas la réalité de la mort, je ne peux pas en user pour me convaincre que je suis vivant. Ni encore moins réel.
Je ne peux pas me faire une idée du blanc sans avoir éprouvé le noir de la nuit.
Cet espace et ce temps de vie ne pourraient-ils donc n’être qu’une irréalité partagée et la mort l’apparition de la réalité dans un espace d’éternité ?
Et voilà, c’est reparti… Des questions, des questions…
Mais puisque je m’interroge, il faut bien qu’il y ait en moi une réalité capable d’éprouver cette éventuelle irréalité. Est-il possible que je sois suffisamment manipulateur envers moi-même pour aller me prouver que j’existe réellement en m’interrogeant sur ma propre réalité ? Conscience auto réfléchie. Ah, oui, la fameuse théorie de Descartes.
Je pense donc je suis.
Je panse et je m’essuie. Au fil de mes souffrances, de mes blessures, de mes traumatismes. Le sang coule et les idées sombrent. Tout ça est bien réel. Je ne peux pas en douter. Ah, mais si justement, il a dit que je dois douter de tout. C’est la preuve que je pense et donc que je suis. Mais si j’en viens à douter que je pense…Que se passe-t-il ? Cela signifie-t-il que je ne suis pas puisque je ne pense pas malgré que je doute ? Mais qu’en est-il du doute ? Il s’agit bien d’une pensée pourtant. Tout ça est bien réel.
Sauf que je ne sais toujours pas si cette vie est bien réelle étant donné que je ne peux pas la comparer à sa finitude à travers l’idée de la mort. Tout ça n’est donc pas plus réel que la mort. Il n’y a rien de réel, sinon les certitudes que je me fabrique. Certitudes sur la mort et par balancier certitudes sur la vie. Juste des pensées pour me prouver que j’existe. Ouah, trop fort le gars !
Quelle mascarade !
Tiens, c’est peut-être ça la réalité.
L’éclat de rire. | |
| | | Frank ******
| Sujet: Re: Philosopher. Dim 7 Mar - 18:12 | |
| - Thierry a écrit:
Je panse et je m’essuie. Ah merde, je l'ai souvent faite celle-là mais je vois que je ne suis pas le seul... | |
| | | Thierry ****
| | | | Brumes ******
| Sujet: Re: Philosopher. Lun 8 Mar - 5:31 | |
| Oh, là, là Thierry !!! Que de questions tu te poses !!! Je suis contente de ne pas en faire autant. Il y a une fin... ça c'est certain. Après ? je verrai bien Quand on est endormi, c'est pareil. C'est le néant, puis on se réveille, jusqu'au jour où on ne se réveillera plus. Ce qui m'ennuie c'est "le passage". Je ne fais pas d'éternelles photocopies sur mon réel. Je sais que je suis là, moi et pas un autre. Avant ? j'existais puisque j'ai reçu des gènes de mes ancêtres. Je serai toujours présente, puisque j'ai transmis à mon tour mes gènes à ma descendance. C'est une forme d'éternité ? Le fœtus fait en 9 mois, ce que la création a mis des millions d'années à faire depuis la cellule minuscule du départ. Même si je ne serai plus là en tant que personne physique, je pense à l'avenir, un avenir très lointain essayant de projeter sur le futur les "petites connaissances" actuelles. Nous nous projetons bien dans le passé... pourquoi ne pas le faire dans l'autre sens ? Sur Terre nous ne sommes qu'un maillon de la chaîne. Puisque nous sommes là, c'est qu'elle est ancrée dans la nuit des temps, et si nous avons une descendance cette chaîne se poursuivra tant que cette descendance sera assurée. Alors notre personne doit-elle faire l'objet d'une attention particulière où faut-il voir un ensemble ? J'avoue aimer me plonger dans le passé, mais cet avenir très très lointain me passionne plus encore. J'aimerais occulter le présent, ce qui n'est évidemment pas possible. Vite un départ pour explorer l'Univers, à l'avance c'est grisant. Je me vois très bien dans un engin spatial, nous n'en sommes qu'aux balbutiements. Et si un de mes descendants fait ce voyage je sais que quelques uns de mes gènes le feront aussi. Je préfère penser à cette conclusion, elle me paraît plus optimiste. | |
| | | Marie-jo 17 ******
| Sujet: Re: Philosopher. Lun 8 Mar - 16:12 | |
| LA MORT
La Mort des pauvres
C'est la Mort qui console, hélas! et qui fait vivre; C'est le but de la vie, et c'est le seul espoir Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre, Et nous donne le coeur de marcher jusqu'au soir;
À travers la tempête, et la neige, et le givre, C'est la clarté vibrante à notre horizon noir C'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre, Où l'on pourra manger, et dormir, et s'asseoir;
C'est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques Le sommeil et le don des rêves extatiques, Et qui refait le lit des gens pauvres et nus;
C'est la gloire des Dieux, c'est le grenier mystique, C'est la bourse du pauvre et sa patrie antique, C'est le portique ouvert sur les Cieux inconnus!
— Charles Baudelaire
La mort,fin en soi? passage vers un autre monde? La mort effraye et fascine en même temps Pourtant,jamais elle ne se dévoile, quand nous quitterons ce monde, l'inconnu nous attend!
Alors n'oublions pas de notre vivant de dire à ceux que l'on aime ,combien ils compte pour nous, ...Après,ce sera trop tard!
> Quand on pense à quel point la mort est familière, et combien totale est notre ignorance, et qu'il n'y a jamais eu aucune fuite, on doit avouer que le secret est bien gardé ! [Vladimir Jankélévitch | |
| | | Thierry ****
| Sujet: Re: Philosopher. Lun 8 Mar - 16:50 | |
| Excellent Jankélévitch ! | |
| | | Thierry ****
| Sujet: Pensée et conscience. Ven 22 Oct - 19:53 | |
| Pensée et conscience. Le 21/10/2010 à 21:46
Extrait : "Une étrange lumière."
« Si notre conscience a la possibilité de grandir à l’intérieur de notre espace clos, c’est sans doute que nous ne l’avions pas développée auparavant et qu’il reste de la place. Mais se pourrait-il aussi que cette conscience soit extérieure à nous-mêmes, comme une conscience commune dans l’univers et qu’il s’agisse simplement de la saisir pour l’inviter à occuper notre espace intérieur ? La plupart des hommes vivrait sans conscience, ce qui pourrait expliquer aussi les déviances de l’humanité. A la place de cette conscience universelle jamais rappelée, l’esprit s’emplirait de valeurs intrinsèquement humaines, totalement détachées de la source commune. Et ces valeurs, nombreuses et variées, incessamment renforcées pour le maintien du mensonge, donneraient l’impression à l’humanité entière qu’elle est sur la bonne voie… La manipulation de la masse par la masse elle-même nous a entraînés sur une fausse route. Nous ne sommes pas sur la voie de l’univers. Nous ne sommes plus en expansion avec lui. Nous sommes perdus. »
Ce qui est en nous, cette conscience auto-réfléchie, n'est sans doute qu'une étape. Et par l'admiration que nous lui portons elle agit comme une cellule, un carcan. L'humanité a scellé son âme dans le piédestal hautain de cette conscience adorée. Nous n'étions que sur le chemin et nous avons cru l'ouvrage achevé.
Cette conscience, de par l'aura que nous lui avons tressée, nous a aveuglés. Comme si le projecteur de notre intérêt et de notre fascination s'était retourné vers nous et nous avait figés comme une bête saisie par une lumière soudaine.
Pour quitter ce carcan, pour retrouver l'apaisement de l'obscurité et l'humilité du cheminement, le pas appliqué et aimant du marcheur, il nous faut abandonner l'amour égotique et plonger dans les noirceurs de l'inconscient primaire, celui qui nous unit à la Terre, à la Vie, à la Source. Nulle crainte à avoir, ce ne sont pas des noirceurs voraces, même si l'ego s'y efface. Juste une Conscience tournée vers la Vie et non plus vers notre Moi. Il faut poser un capuchon sur notre conscience d'homo sapiens, comme un étouffoir sur une torche.
Je ne crois pas en la philosophie dès lors qu'elle est privée de sa dimension spirituelle. Elle n'est qu'au service de l'égo tout puissant, à l'intellectualisation de la conscience.
Je ne crois pas en la religion car elle est au service de l'aveuglement. Elle a toujours détourné les hommes de la Vie,de la Terre, de la Source. Elle agit pour les hommes au nom d'un Dieu qu'ils façonnent pour leurs intérêts. Elle n'agit pas pour la Vie.
La spiritualité n'est pas la religion.
La spiritualité n'a pas de chemin écrit, aucun sillon à suivre, aucun Maître à adorer, aucun Dieu à vénérer.
La Conscience au-delà de la conscience.
Lorsque l'unité sera faite, lorsque les liens seront établis, lorsque l'osmose sera constante, pas uniquement quelques flashs inattendus, pas simplement ces bouleversements qui nous submergent devant un coucher de soleil, les grands navires de pluie, la mélodie des houles dans la cime des arbres, le sourire d'un enfant, ses petits doigts qui viennent saisir notre main pour l'aider à monter sur un rocher, son rire cristallin devant la danse des vagues, le vol blanc d'un oiseau pélagique sur le fond bleu de l'Océan, tous ces instants d'amour qui ruissellent et pleurent en nous des torrents de bonheur.
la Conscience de l'Amour. Au-delà de notre enveloppe.
Il nous faut sortir de nous-mêmes.
J'en suis à me demander si cette conscience auto-réfléchie qui nous a été donnée n'a pas été détournée de son objectif...Si nous n'avions pas cru voir uniquement en nous un centre lumineux à travers cette conscience mais que nous ayons porté cette faculté vers la Nature, nous aurions pu voir à quel point notre conscience d'homo sapiens ne peut pas être séparée de celle du Monde. Puisque nous sommes dans le Monde tout comme le Monde est en nous, énergétiquement, moléculairement parlant, il ne s'agissait pas d'entrevoir uniquement notre conscience individualisée mais La Conscience, cette osmose absolue, je ne suis pas celui qui est, je ne suis pas celui se cherche, je ne suis même pas celui qui sait ne pas être, tout est bien au-delà de cette simple perception duale, moi et le Monde, c'est là qu'est l'erreur originelle à mon sens. La conscience auto-réfléchie n'était pas qu'une étape, elle était une voie de garage, une impasse et l'humanité est si ancrée désormais dans ce paradigme, renforcée par des siècles de philosophies occidentales, que l'être humain reste enfermé dans cette certitude. La Conscience auto-réfléchie, à l'échelle du Monde, consistait à saisir à travers notre conscience individuelle un échelon bien supérieur, immensément respectueux, une infinie communion. Je suis celui qui a conscience que sa conscience n'est rien dès lors qu'elle se prive elle-même de l'étape suivante.
Que faut-il entreprendre dès lors, comment s'extraire de cette conscience duale, comment retrouver le chemin de la Vie au coeur de nos existences ?
Les pensées me semblent être un fonctionnement intellectuel surpuissant, une formidable machine à construire des actes, des tourments, des bonheurs, des évolutions disparates ou des régressions ponctuelles, des agissements néfastes et des sauvetages merveilleux, tout ce fatras que nous avons sous les yeux continuellement. Je les vois comme des outils informatiques. Le problème vient de l'identification du programmateur. Est-ce nous, dans une totale objectivité ou un conglomérat de conditionnements archaïques et de manipulations légalisées, des formatages auxquels on s'abandonne par éducation, par mimétisme...Ca peut bien entendu être enthousiasmant, des progrès fulgurants, des avancées indéniables. Dès lors que des milliers de personnes convergent, le courant est puissant et balaie peu à peu les résistances. Lorsqu'on parle de milliards, rien ne résiste.
Mais qui pense ? Des individus spérarés ou une masse agglomérée et mûe par un élan commun ? Y a-t-il réellement une conscience dans ce mouvement ? Lorsque je lis des ouvrages scientifiques sur l'évolution de l'espèce, je ne parviens pas à percevoir autre chose que ce courant généré par des agitations partagées, des embrasements intellectuels, politiques, culturels, scientifiques, pas des étincelles éparses mais des foyers immenses et la lueur des flammes aveuglent des espaces immenses, se propagent à la vitesse du vent. Qui a lancé la première flammèche ? Savait-il ce qu'il faisait et ce qu'il allait déclencher ? Sans doute en rêvait-il au coeur de son ego. Sans doute espérait-il pouvoir en retirer les bienfaits au-delà de la masse, comme le géniteur génial, le pyromane adoré. Pourquoi ce feu de brindilles a t-il été amplifié, nourri, vénéré par les masses hypnotisées ? Cela répondait-il à un besoin qui ne savait prendre forme, qui avait besoin d'un élément déclencheur, un révélateur, un visionnaire, un précurseur, un prophète...
Quelles étaient les intentions profondes de tous les pyromanes de l'Histoire de l'Humanité ?
Et maintenant, qu'en est-il de la conscience ?
Cette conscience a t-elle un autre espace que celui des pensées ou en dépend-elle ? Est-elle une entité purement spirituelle ? Mais si c'est le cas, comment prend-elle forme, où se construit-elle ? Comment se faire une idée d'elle sans passer par les idées développées au coeur des pensées ? L'énigme semble insoluble ou alors c'est que la conscience n'est rien d'autre qu'une pensée plus élaborée, plus complète. Mais en quoi le serait-elle ?
Si je dis que j'ai conscience de tout ce fatras, est-ce une simple pensée ou le retournement de cette pensée vers son émetteur ? Peut-on se contenter de parler de conscience dès lors que je sais que je pense à mes pensées et que cet état intérieur confère à mes pensées un état de conscience. Ou à moi-même plutôt étant donné que si je cesse de penser, je ne disparais pas pour autant et que j'ai conscience de ne plus penser.
Tout cela me semble assez insignifiant finalement...
"Cogito ergo sum."
Le cogito est initialement exposé en français par Descartes dans le Discours de la méthode (1637):
« Mais aussitôt après je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose; et remarquant que cette vérité, je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. »[1]
Oui, bon, très bien...Je ne dis pas que ça ne sert à rien mais doit-on en rester là ? Métaphysique et tutti quanti.
Je garde à l'esprit ce passionnant documentaire de Jacques Malaterre, diffusé à mes élèves, en classe. "Le sacre de l'homme." Le titre est très révélateur. L'homme quitte la Préhistoire, il bascule dans son apogée, vers une complète domination de la Nature, celle qui l'entoure et celle qui est en lui.
Je m'interroge depuis à savoir ce que l'Humanité serait devenue si l'être humain, dans son individualité, ne s'était pas obstiné à se défaire de cette Nature. Bien sûr que sa situation était aléatoire et que beaucoup n'ont pas ouvert les yeux bien longtemps. Mais cette conscience duale n'a-t-elle pas trouvé dans cette lutte constante un envol que l'on peut regretter d'un point de vue spirituel ? Cette conscience auto-réfléchie n'a t-elle pas été qu'un cheminement tout tracé pour un Descartes ou n'importe quel autre philosophe un tant soit peu opiniâtre... Il s'agissait simplement de continuer à avancer dans un paradigme surpuissant. Descartes n'aurait rien découvert mais se serait simplement engouffré dans une voie archaïque, il aurait juste mis en forme et en mots, une pratique millénaire. Il aurait juste peint des paysages depuis bien longtemps explorés.
Que se serait-il passé si l'Humanité avait développé une Conscience réfléchie non pas vers elle mais vers la Vie ?
L'Homme en s'observant penser aurait vu en lui non pas son reflet mais celui de l'Energie commune. Ca n'est pas moi que j'observe mais j'observe la Vie qui m'observe.
Je sais bien que tout cela peut apparaître comme une élucubration de mon mental, une florilèges de pensées, un ego qui se croit libéré.
Mais il y a mes trois hernies discales, la paralysie, le champ des pensées comme un champ de batailles, une boucherie infinie.
Et puis ce basculement hors des pensées, dans une conscience sans nom, un état paroxystique totalement spirituel, plus de corps, plus de moi, rien de connu, ni d'identifié. Si ça n'avait été qu'une hallucination, je n'aurais jamais remarché. Tout se serait réinstallé avec la même violence.
Mais je marche. sans que personne dans le milieu médical ne puisse l'expliquer.
J'étais dans cet état de celui qui observe la Vie reprendre ses droits. Non pas une conscience auto-réfléchie qui réfléchit sur son propre désastre et s'observe réfléchir mais la Vie en moi qui se réfléchit sur le miroir de ma conscience. Et me nourrit de son Energie.
Extrait.
"Les Eveillés"
"La visite chez le médecin du village. Un diagnostic sans appel, il fallait rentrer, passer des examens. Leslie avait conduit. Il était resté allongé, avec cette certitude que la mort l’avait retrouvé, qu’elle avait décidé d’en finir avec lui, qu’il avait laissé passer sa chance, que la vérité intérieure ne s’éveillerait jamais et qu’il devait payer son aveuglement par une condamnation sans appel. La certitude que cette fois il allait succomber.
Trois hernies discales.
Celle déjà opérée s’était inexplicablement reconstituée, deux autres l’accompagnaient dans une œuvre destructrice, une déliquescence paralysante, une gangrène camouflée, une hargne irréductible. Un tueur à ses trousses depuis tant d’années. Une vie à s’enfuir et cette fois une impasse, plus aucune issue, le tueur est blasé, cette fois, il est là pour finir le travail et prendre un autre contrat.
Morphine. Les retrouvailles. Le film relancé comme une boucle infâme qui resserre son étau, le nœud autour de son âme, la vie étranglée, l’air qui commence à manquer et la peur, cette peur ranimée, qui ronge, obsède, tourmente, sans relâche, sans aucune pause, il aurait voulu hurler cette douleur infinie déboulant dans son crâne, dans ses fibres, dans ses cauchemars, dans ses sanglots. Pourquoi ? Pourquoi cet acharnement ? Au-dessus de sa tête la lame tranchante de la guillotine, le filament décharné qui retenait le couperet, il suait de peur, de désespoir, d’incompréhension, ce goût immonde de la mort dans sa bouche, cette puanteur âcre du corps qui pourrit dans la tombe, les noirceurs insondables du néant, il imaginait l’errance éternelle de son âme torturée, l’absence de réponse comme une peine capitale. Il devait comprendre, il y avait forcément une explication. Il le sentait. Comme une main tendue au-dessus de la vase des traumatismes enfouis.
On lui parlait parfois, la nuit surtout, une voix étrange, délicate, rassurante, elle semblait descendre en lui par un canal indéterminé, une porte inconnue, une brèche infime dans les murs titanesques de ses refoulements morbides.
« Tu n’es pas un assemblage de pièces qu’il faudrait constituer mais une image morcelée dont tu ne vois pas l’étendue. Ça n’est qu’une question de lucidité.»
Il n’en disait rien.
Le chirurgien. Il avait espéré ne jamais le revoir, ne jamais retrouver ce parfum irritant des désinfectants, ces lumières glauques dans les couloirs souterrains, le bloc opératoire comme une salle de torture, la voix mielleuse de l’anesthésiste qui vous dit de vous laisser aller alors que vous ne savez pas si vous allez revenir, la chambre de réveil, l’angoisse des membres paralysés.
« Pour résumer simplement l’opération que j’envisage, je dirais qu’il va falloir vous ouvrir au niveau ventral, sortir en partie les intestins pour accéder à la colonne vertébrale, on visse une plaque après avoir cureté les disques, puis on ouvre au niveau du dos pour aller placer une plaque identique et on boulonne les deux. Comme vous n’aurez plus de disques vertébraux, ce système va bloquer la colonne et vous protègera définitivement. Trois heures d’opération devraient suffire.»
L’envie furieuse de se lever du brancard et de s’enfuir en courant, cet homme était fou, il le prenait pour une marionnette qu’on éventre, qu’on scelle dans des étaux et qu’on recoud avant de la rejeter à la rue, il n’avait vu dans la proposition qu’une expérience intéressante pour l’homme en blanc, dans ses yeux pétillants le plaisir pervers de tenir un cobaye.
Il avait dit à Leslie de le sortir de cette cage immonde, ils étaient rentrés et le calvaire avait duré.
Des jours et des nuits de tortures incompressibles, des torsions de muscles irradiés, des nerfs lacérés, son corps qui maigrit, se décharne, disparaît dans la fange vorace des cauchemars éveillés, son esprit aimanté par l’écrin de la tombe, cet ultime refuge, cette paix acquise qui le tentait, les vers grouillant dans son corps éteint le terrorisaient moins que ces décharges électriques vrillant ses fibres, une guerre sans merci, un champ de bataille, seul au milieu d’une terre ravagée, des assauts incessants, la fureur des combats, les crampes comme des barbelés arrachant les chairs, tenir, résister, s’enfouir sous les draps comme au fond d’un trou, ces éclats d’obus qui le déchiraient, ces spasmes, ces sursauts à chaque blessure, la guerre en lui, son corps envahi, impossible de fuir.
Il était son propre ennemi.
La détresse de Leslie. Cette absence de solution devait la détruire autant qu’elle le rongeait de l’intérieur, ses traits tendus, la peur dans ses yeux, des paroles gênées comme si la douleur créait une distance, elle ne savait plus quoi dire.
Il étouffe.
Une immense goulée d’air.
Il s’assoit sur le grain rugueux d’une pierre ronde.
Il aurait pu tout perdre. Il est passé si près. Cette boîte de morphine qu’il a tournée dans ses mains pendant des heures ... Vingt comprimés et le calvaire aurait pris fin. Il sait que la douleur l’avait enfermé dans un cachot sépulcral, que le couvercle de la tombe menaçait de tomber à chaque battement de son cœur, que son écoeurement de la vie aurait pu l’emporter.
Il pleure et les paysages fragmentés par les larmes embuant ses rétines sont des kaléidoscopes féeriques qui le ravissent, tout cet amour coulant de l’Univers, toute cette vie qui l’entoure, toute cette vie qui l’anime, cette connivence qu’il a découverte, il aurait pu tout perdre mais cette vibration insoumise qu’il percevait parfois, noyau vital résistant aux assauts incessants de la douleur barbare, cette palpitation comme un cœur d’étoile, il ne pouvait l’abandonner, il était impossible de l’ignorer, de la laisser couler dans le néant putride de la mort souveraine. Quand Leslie, le matin, ouvrait les volets et qu’il découvrait le ciel du fond de son lit, il pleurait les espaces perdus. Mais cette simple fissure dans le mur compact de ses souffrances érigées suffisait à insuffler le germe d’un sursis, l’esquisse d’un bourgeon de vie et les heures de tourmente, les tortures ressassées ne ravageaient jamais complètement cette terre fertile, cet espace d’amour qui le sauvait.
L’amour. Il sait ce qu’il lui doit. L’amour pour Leslie, l’amour pour les enfants, l’amour pour la Terre, l’amour pour ses parents.
Ses parents. Ils avaient déjà tellement souffert. Il les imaginait rongés de détresse à mille kilomètres de son supplice, ce désespoir dans leurs voix éteintes lorsqu’ils appelaient au téléphone, cet abattement gorgé de larmes, cette incompréhension désespérante devant cet acharnement de la vie à violenter leur amour parental. Ils avaient déjà tellement souffert. Leur deuxième fils en sursis. Leslie tentait de les rassurer.
Les nuits sans sommeil, quelques cessez-le-feu épisodiques, l’observation inquiète des horizons éteints, les embrasements suspendus, les odeurs âcres des sueurs, des morves séchées, des peaux talées, les cheveux collés … Juste un répit. Il tentait de récupérer, se laisser porter par l’épuisement, flotter entre la surface lumineuse et les fonds obscurs, les yeux clos, le corps immobile, essayer de relâcher les résistances, les nœuds enflammés par les heures de lutte, respirer profondément et que l’air absorbé liquéfie les crampes, emporte les acides, purifie les tranchées ravinées, les artères souillées, les muscles brisés, arracher de son corps la boue solidifiée des douleurs.
Remonter à la source du conflit, identifier les forces en présence, analyser les raisons du désastre. Comprendre, chercher une issue, ailleurs que dans les réseaux médicaux, on voulait l’éventrer, en période de guerre, les chirurgiens ne font pas de détails.
Il était en guerre.
« A 50%, le risque c’est le fauteuil roulant, à 25% la paralysie de la jambe gauche, il reste 25% de chances que l’opération réussisse. »
Leslie lui avait fait part de ce commentaire du chirurgien dans le couloir, il ne considérait finalement que l’opération et pas l’individu, le geste chirurgical était évalué en pourcentage. Pas la vie de l’homme.
Il n’irait pas.
Plutôt mourir.
Le rêve. Une voix qui lui parle. Au cœur d’un halo bleuté.
« Ce que tu vois n’est pas la vérité. Ca n’est qu’une image. Ton âme sait où elle va. »
Il n’en parlait pas.
Peut-être la morphine et pourtant cet amour ineffable, incommensurable. La lumière l’aimait, des auras bleues qui dansaient devant ses yeux émerveillés. La notice du médicament, les effets secondaires, une liste redoutable mais pas d’hallucinations. Une incompréhension totale. Habituellement, ses rêves disparaissaient au réveil. Rien, aucun souvenir. Celui-là perdurait et l’enlaçait de douceur. Comme un baume d’amour.
Une caresse d’ange.
Et puis.
L’apparition d’Hélène.
Un conseil d’une amie, une médium magnétiseuse, Leslie avait pris rendez-vous. Il avait étouffé les douleurs en triplant les doses de morphine. Se lever, marcher en traînant la jambe gauche, elle ne réagissait plus. Elle l’avait soutenu jusqu’à la voiture. Plus rien à perdre.
Une petite maison dans la montagne, un jardin très soigné, des volets et un portail violets.
Hélène en haut de l’escalier. Ce premier regard. Inoubliable. Tellement de force et tellement d’amour. Elle avait demandé à Leslie de les laisser. Elle lui téléphonerait quand ça serait fini. Il s’était effondré sur une banquette moelleuse. Les effets de la morphine qui s’estompaient, la terreur des douleurs à venir, tous ces efforts qu’il allait devoir payer. Une petite pièce lambrissée, aménagée pour la clientèle, des bougies parfumées, quelques livres. Ils avaient discuté, quelques minutes, tant qu’il pouvait retenir ses larmes puis elle l’avait aidé à se déshabiller.
« Je vais te masser pour commencer. Tu as besoin d’énergie. »
Il s’était allongé en slip sur une table de kiné.
Les mains d’Hélène. Une telle chaleur.
Elle parlait sans cesse. D’elle, de ses expériences, de ses patients, elle l’interrogeait aussi puis elle reprenait ses anecdotes, des instants de vie.
« Tu veux te faire opérer ?
- Non.
- Alors, il faut que tu lâches tout ce que tu portes. »
Il n’avait pas compris.
Elle avait repris son monologue, son enfance, ses clients, ses enfants, son mari, son auberge autrefois, maintenant la retraite, quelques voyages. Et tous ces clients. De France, de Suisse, de Belgique, de la Réunion … Elle n’avait rien cherché de ses talents. Ils étaient apparus lorsqu’elle avait huit ans, une totale incompréhension, des auras qui lui faisaient peur et puis elle avait fini par comprendre, nourrie par des révélations incessantes descendues en elle comme dans un puits ouvert.
Des auras … Les rêves qui habitaient ses nuits. Interrogations. Lui aussi ?
Les mains d’Hélène, sa voix, la chaleur dans son corps, ce ruissellement calorique. L’abandon, l’impression de sombrer, aucune peur, une confiance absolue, un tel bien-être, des nœuds qui se délient, son dos qui se libère, comme des bulles de douleurs qui éclatent et s’évaporent, une chaleur délicieuse, des déversements purificateurs, un nettoyage intérieur, l’arrachement des souffrances enkystées, l’effacement des mémoires corporelles, les tensions qui succombent sous les massages appliqués et la voix d’Hélène.
« Tu sais que tu n’es pas seul ?
- Oui, je sais, tu es là.
- Non, je ne parle pas de moi. Il y a quelqu’un d’autre. Quelqu’un que tu portes et tu en as plein le dos. Il va falloir que tu le libères. Lui aussi, il souffre. Vous êtes enchaînés.»
Il n’avait pas encore parlé de Christian.
Les mains d’Hélène, comme des transmetteurs, une vie insérée, les mots comme dans une caisse de résonance, des rebonds infinis dans l’antre insondable de son esprit, une évidence qui s’impose comme une source révélée, l’épuration de l’eau troublée, les mots comme des nettoyeurs, une sensation d’énergie retrouvée, très profonde, aucun désir physique mais une clairvoyance lumineuse, l’impression d’ouvrir les yeux, à l’intérieur, la voix qui s’efface, un éloignement vers des horizons flamboyants, il vole, il n’a plus de masse, enfin libéré, enfin soulagé, effacement des douleurs, un bain de jouvence, un espace inconnu, comme une bulle d’apesanteur, un vide émotionnel, une autre dimension, les mains d’Hélène qui disparaissent, comme avalées doucement par le néant de son corps, il flotte sans savoir ce qu’il est, une vapeur, plus de contact, plus de pression, même sa joue sur le coussin, tout a disparu, il n’entend plus rien, il ne retrouve même pas le battement dans sa poitrine, une appréhension qui s’évanouit, l’abandon, l’acceptation de tout dans ce rien où il se disperse, le silence, un silence inconnu, pas une absence de bruit mais une absence de tout, plus de peur, plus de douleur, plus de mort, plus de temps, plus d’espace, aucune pensée et pourtant cette conscience qui navigue, cet esprit qui surnage, comme le dernier élément, l’ultime molécule vivante, la vibration ultime, la vie, il ne sait plus ce qu’il est, une voix en lui ou lui-même cette voix, la réalité n’est pas de ce monde, il est ailleurs, il ne sait plus rien, un océan blanc dans lequel il flotte mais il n’est rien ou peut-être cet océan et la voix est la rumeur de la houle, l’impression d’un placenta, il n’est qu’une cellule, oui c’est ça, la première cellule, le premier instant, cette unité de temps pendant laquelle la vie s’est unifiée, condensée, un courant, une énergie, un fluide, un rayonnement, une vision macroscopique au cœur de l’unité la plus infime, des molécules qui dansent.
Où est-il ?
Fin du Temps, même le présent, comme une illusion envolée, un mental dissous dans l’apesanteur, ce noir lumineux, pétillant, cette brillance éteinte comme un univers en attente, concentration d’énergie si intense qu’elle embrase le fond d’Univers qui l’aspire, la vitesse blanche, la fixité noire, la vitesse blanche, la fixité noire, le Temps englouti dans un néant chargé de vie, une vie qui ruisselle dans ses fibres, des pléiades d’étoiles qui cascadent, des myriades d’étincelles comme des galaxies nourricières dans son sang qui pétille.
Il est sorti en marchant.
Que s’est-il passé ?
Aucune réponse.
Il ne sait rien."
Je ne sais toujours rien, ou pas grand-chose.
Je cherche. Mais je sais qu'il y a quelque chose d'essentiel derrière tout ça. Impossible que ça ne me soit donné pour rien, pas pour ma petite vie, pas juste cet individu errant comme un pauvre hère.
Qu'y a t-il derrière le rideau ?
Ce rideau qui voile ma conscience. cette impression d'être au bord d'un seuil, que quelque chose est là, devant moi et que je ne peux pas le voir, que je ne peux pas le saisir...C'est peut-être la folie d'ailleurs. Ce désir si fort de passer de l'autre côté. Cette autre conscience, celle du monde qui se réfléchit en moi et me donne forme en prenant conscience de lui-même à travers ce miroir que je lui offre...Une construction insécable, le monde en moi qui me donne vie, la vie en moi qui donne vie au monde, la conscience de ce moi qui s'observe et perçoit face à lui la vie qui s'observe, l'idée tourne en rond en moi, mais elle n'est pas qu'une pensée, elle n'est pas qu'une réflexion, il y a aussi cette douleur, ce noeud au ventre qui ne se délie pas parce que je reste figé dans ma quête et qu'elle me colle à moi-même, je sais qu'il faut autre chose que ce mental surexcité qui pompe toute l'énergie connue.
Il faut un électrochoc.
J'en ai déjà goûté l'incommensurable puissance.
Je ne tiens pas à le revivre. Et pourtant ce parfum en moi, cette lumière ineffable, ces murmures au fond de mon âme...Tout ce qui a disparu et dont l'absence m'a laissé si hagard.
Une autre conscience. Une certitude.
"Toute notre dignité consiste donc en la pensée" écrivait Pascal.
J'aimerais immensément perdre cette dignité alors. Ne plus rien écrire, ne plus rien penser puisque cela signifierait que je serais enfin là où je dois être.
Mon indignité existe aussi à travers mes pensées. L'homme n'a toujours été que le modelage de ses pensées, il a toujours été soumis à cet artisan et s'en est toujours glorifié. Incroyable esclavage qui voit le serf adorer son seigneur. Jusqu'à lui dresser des cathédrales. Le Dieu des hommes n'est qu'une excroissance de leurs pensées. Des pensées au service des hommes pour manipuler les hommes.
Et il y aurait là-dedans, dans ce marasme séculaire une conscience grandiose ?
Une fausse route.
Un rideau qu'on a tous tiré.
Qu'y a-t-il derrière ?
Lorsque j'étais entre lemains d'Hélène, elle m'a ouvert la voie.
"Lâche ton mental, il n'a rien à faire là."
Ces pensées qui ancraient la douleur dans mon corps mutilé, la souffrance dans mon esprit lacéré, ces pensées à travers lesquelles je cherchais une issue, je devais m'en défaire, je devais les abolir, les exterminer. Elles étaient le mal incarné en moi. La négation de ma dignité d'homme.
Et la vie a deviné que j'ouvrais la porte, elle s'est engouffrée parce qu'elle a senti que sa conscience en moi avait une place, que ma conscience humaine avait lâché prise, que mes certitudes et mes prétentions avaient rendu l'âme. L'homme n'était plus là. C'était la vie en moi et cette enveloppe n'était rien d'autre qu'une incarnation de l'amour de la vie pour elle-même. Il fallait bien qu'elle trouve un exutoire à ce désir d'osmose, à ce partage universel. Nous ne sommes que des extensions de la vie, pas même la vie elle-même mais des images inhérentes à sa conscience. Et dès lors que nous laissons une place à cette conscience de la vie pour elle-même, nous devenons les êtres aimés qu'elle a toujours souhaité nous voir devenir.
L'amour humain n'est rien qu'une parcelle infime de cet Amour de la vie pour elle-même, l'amour des herbes pour la terre, l'amour des oiseaux pour le ciel, l'amour des vagues pour l'océan, l'amour des particules dans le maëlstrom des énergies, tout ça n'est qu'une infime parcelle de l'amour de la vie pour elle-même. Nous avons été les seuls à croire que nous pouvions nous en extraire parce que nous étions affligés d'une conscience consciente de ses pensées. Au lieu de faire de cette offrande une bénédiction, nous en avons fait une condamnation. Celle de notre propre enfermement.
Le XXI siècle sera celui du rideau déchiré.
Il ne sera pas spirituel car là aussi, il ne s'agit que de pensées édulcorées. Il faut passer au-delà du spirituel, cette tournure là est aussi galvaudée que les religions, il y a trop d'écrits, trop de penseurs qui invitent à ne plus penser, je ne veux plus rien lire, je ne veux plus rencontrer aucun penseur au fil de leurs pages, je ne veux personne devant le rideau pour me dire comment le retirer.
Plutôt crever sur le seuil.
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| | | Thierry ****
| Sujet: Philosopher. Mer 1 Déc - 8:32 | |
| Philosopher... Le 01/12/2010 à 09:21
Délicat en fait de présenter cette activité à des enfants de CM2...Quel est l'objet d'étude ? Autant ils sont capables d'identifier de la géographie ou des mathématiques, autant, même après plusieurs débats en classe et des "mini réflexions" communes en cours de journée depuis le début de l'année, il est difficile pour eux de cerner la réalité de cette "matière"...Une petite fille a même dit qu'après en avoir parlé avec ses parents, ceux-ci étaient incapables de dire ce qu'était la philosophie, ils n'en avaient jamais fait à l'école et n'avaient jamais rien lu dans ce domaine...J'ai répondu que tout le monde faisait de la philosophie tout au long de sa vie, à divers niveaux, étant donné que la philosophie a pour objectif comme le dit Sénèque " de nous procurer la vie heureuse" et que par conséquent tout le monde, un jour ou l'autre, faisait preuve de philosophie...Ce qui différenciait les individus, c'était la profondeur des réflexions, leur durabilité, leur multiplicité, l'exigence aussi quant à ne pas se voiler la vérité.
J'ai donc décidé de prolonger ce débat et de tenter de cerner clairement avec eux ce que signifie "philosopher". André Comte -Sponville en fait une présentation à laquelle j'adhère totalement dans "le bonheur désespérément." J'ai essayé d'en reprendre les grandes lignes.
"La philosophie est une pratique discursive (discours et raisonnements) qui a la vie pour objet, la raison pour moyen et le bonheur pour but. Il s'agit de penser mieux pour vivre mieux."
Le bonheur est le but de la philosophie et la sagesse en est le moyen. La sagesse se reconnaît au bonheur mais un "certain" bonheur. Il ne s'agit pas d'un bonheur nourri d'illusions mais d'une analyse approfondie de la vérité. Le philosophe s'attachera avec rigueur à une vraie tristesse plutôt qu'à une fausse joie, il ne se détournera pas de la lucidité pour se perdre dans des dérives hallucinogènes, quitte à devoir abandonner un "bonheur" fabriqué. Mieux vaut une saine vérité qu'un mensonge camouflé. Quelqu'en soit la rudesse. Les bonheurs illusoires sont les ferments des détresses à venir. On en revient à ces fameux espoirs comme autant de falots qui s'éteignent à la moindre brise. Le philosophe s'attelle à rester impliqué dans l'instant, à le décortiquer sans pour autant s'épuiser jusqu'à la déraison. Il n'évolue pas dans un espace clos mais au coeur de la vie quotidienne sans pour autant que cette vie quotidienne ne devienne un espace clos. Sa raison est au seuil, alternant les engagements réels dans une vie sociale et les retraits dans le silence de ses pensées. Il ne s'agit pas pour lui d'être coupé de la "Cité" mais de s'y fondre sans jamais s'y perdre.
Saint-Augustin parlait de " la joie qui naît de la vérité." Spinoza parlera de "béatitude" par opposition aux bonheurs factices, ponctuels, éphémères de la vie frénétique de la Cité. Les bonheurs illusoires ont besoin d'être constamment alimentés par de nouveaux subterfuges, ils s'épuisent rapidement et conduisent immanquablement à une addiction pathogène. La société de consommation entretient le stock des toxicomanes.
Philosopher revient par conséquent à tenter d'être heureux à travers la vérité. Le bonheur n'est pas sa norme dans le sens où il n'est pas un objectfif autorisant les déviances. Le philosophe acceptera les conclusions les plus redoutables. Le bonheur s'il n'est que le maintien des oeillères lui est insupportable...Cette norme du bonheur à tous prix n'est pas de son domaine. La pensée "positive" n'entre pas dans son champ d'investigations dès lors que ces pensées sont détournées de la vérité. Il ne s'agit pas de penser ce qui nous rend heureux mais de penser ce qui nous paraît vrai. Cette vérité sera la source du bonheur. Et cette vérité est bien plus difficile à saisir que des bonheurs illusoires. Si le bonheur est le but, il n'en devient pas pour autant un alibi de la dérive.
Il n'est qu'à regarder ce faux ami qu'est l'espoir, cet aimant auquel nous succombons si facilement et qui contient caché en lui-même des désillusions implacables, pour comprendre ce qu'est la vérité du philosophe. Il reste ensuite ensuite à choisir sa propre voie.
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| | | stip ******
| Sujet: Re: Philosopher. Jeu 2 Déc - 21:45 | |
| J'aime beaucoup ton raisonnement, je voudrais cependant émettre quelques réserves sur la subjectivité du terme "bonheur". Les esprits les plus brillants sont-ils les plus heureux? Pas nécessairement! Je m'en explique un peu dans les citations, je tenterai d'y revenir ici.
Dernière édition par stip le Jeu 2 Déc - 21:58, édité 1 fois | |
| | | Thierry ****
| Sujet: Re: Philosopher. Jeu 2 Déc - 21:49 | |
| - stip a écrit:
- J'aime beaucoup ton raisonnement, je voudrais cependant émettre quelques réserves sur la subjectivité du terme "bonheur".
Les esprits les plus brillants sont-ils les plus heureux? Je m'en explique un peu dans les citations, je tenterai d'y revenir ici. A mon sens, ils ne sont peut-être pas les plus heureux mais ils s'évitent sans doute des désillusions plus redoutables encore. | |
| | | stip ******
| Sujet: Re: Philosopher. Jeu 2 Déc - 22:37 | |
| - Thierry a écrit:
- A mon sens, ils ne sont peut-être pas les plus heureux mais ils s'évitent sans doute des désillusions plus redoutables encore.
Justement....ce mot "désillusion" me fait penser à quelqu'un qui aurait pris une place inadéquate. Philosopher c'est tenter de trouver "sa"place (il n'y a pas deux personnes semblables) en se positionnant et pour ce faire il faut percevoir recevoir beaucoup, échanger. Philosopher c'est aimer se poser des questions, fuir les certitudes et savoir que c'est un plaisir. Mais le bonheur....dans quelles choses toutes bêtes je puise mon bonheur, je ne me poserais pas de questions probablement les trouverais-je tout autant! Alors? je vais continuer d'y refléchir.... | |
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