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 L'art et la vertu de l'artiste

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4 participants
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Morgan Kane
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Morgan Kane



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MessageSujet: L'art et la vertu de l'artiste   L'art et la vertu de l'artiste Icon_minitimeSam 30 Nov - 6:42

« Juger les créateurs du passé avec notre morale d’aujourd’hui invite à censurer Hitchcock, Michael Jackson ou Céline »

Le Monde du 29/11/2019 Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde »

Polémiques Polanski et Gauguin, retentissement du discours d’Adèle Haenel… Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde », décortique les débats du moment dans le domaine culturel.

Le mouvement #metoo a libéré la parole des femmes, mais a-t-il enfermé les œuvres dans une boîte morale ? Les créateurs et responsables culturels sont tétanisés par le sujet. Ils le confient à mots couverts. Au point qu’on se demande si, demain, il sera possible de se confronter à un tableau, un film, une pièce de théâtre ou un roman, sans que le jugement soit parasité par la vertu, ou non, de son auteur, et passé au tamis de nos valeurs.

On l’a vu avec le film J’accuse, de Polanski, qui a failli être interdit dans six salles de Seine-Saint-Denis. Il a fallu un tollé pour repousser la censure et les mots ironiques de Stéphane Goudet, directeur du cinéma Le Méliès, à Montreuil, demandant si « un comité de vérification de la moralité des artistes programmés était prévu ». Cet épisode est symptomatique de l’époque, d’autant que plusieurs salles en France ont annulé des projections du Polanski.

La menace sur les œuvres est souvent plus subtile. A Londres, la prestigieuse National Gallery, qui expose en ce moment des portraits de Gauguin, a averti le public que cet artiste, au tournant des XIXe et XXe siècles, résidant et peignant en Polynésie, a « profité de sa position d’Occidental privilégié » pour avoir des relations sexuelles avec des fillettes de 13 ou 14 ans. Farah Nayeri est plus brutale dans le New York Times : « Est-il temps d’arrêter de regarder Gauguin ? » Le verbe est « cancel ». Annuler. Pas un hasard. Les Etats-Unis sont gagnés par une cancel culture, soit l’effacement des créateurs non convenables.

Complexité

En réponse, Jonathan Jones, le critique d’art du Guardian, à Londres, dit où mène cette campagne de nettoyage de l’art. Selon lui, réduire Gauguin aux portraits, aux fleurs aussi, est stupide au regard d’une œuvre bien plus riche. C’est aussi une façon d’évacuer des tableaux plus « intenses », à savoir les nus polynésiens, et donc, les femmes que Gauguin aurait bafouées, alors même que la National Gallery regorge ailleurs de tableaux de femmes blanches et nues – belle hypocrisie.

« Si nous ne pouvons pas voir l’art, nous ne pouvons pas en débattre », conclut Jonathan Jones. Débattre de ceci : dans une Europe gangrenée par le racisme et l’impérialisme, Gauguin est un des rares artistes partis peindre, avec bienveillance, un peuple colonisé et soumis aux codes blancs. Son « primitivisme », confirme fort bien notre confrère du Monde Philippe Dagen dans son livre Primitivismes, une invention moderne (Gallimard, 400 pages, 35 euros), était celui d’un progressiste respectueux des cultures non occidentales.

Anne-Claude Ambroise-Rendu, à qui on doit une Histoire de la pédophilie (Fayard, 2014), ajoute dans Le Point qu’à la fin du XIXe siècle, comme la loi punit tout attentat à la pudeur sans violence en dessous de 13 ans, on peut tout reprocher à Gauguin mais le traiter de pédophile « est absurde ». Gauguin est complexe mais la complexité n’est pas dans l’air du temps.

L’air du temps est de réévaluer les grands noms de la culture, notamment dans les musées anglo-saxons, et de nettoyer les cartels d’œuvres de leurs marqueurs raciaux – nègre devient noir, etc. Des musées multiplient aussi les avertissements, comme la Tate Britain de Londres, qui expose en ce moment William Blake (1757-1827) et prévient le public qu’il verra « des traitements brutaux infligés à des esclaves ». En 2018, l’artiste Michelle Hartney est allée plus loin : à l’insu du Metropolitan Museum de New York, elle a collé des étiquettes à côté d’œuvres pour dénoncer Gauguin (prédateur sexuel), Balthus (obsédé par des jeunes filles) ou Picasso (misogyne).

Anachronisme

Dans un autre registre, la plate-forme de vidéos Disney+ propose depuis le 12 novembre aux Etats-Unis toutes sortes de films. Estimant que les dessins animés Blanche Neige ou Cendrillon donnent une mauvaise image des femmes, Disney avertit l’abonné qu’il peut tomber sur « des représentations dépassées ». Cette firme avait déjà censuré une scène de Toy Story 2 où l’on voit un papy qui drague deux Barbie. A ce rythme, une grande partie du cinéma d’antan doit être recadrée, par exemple Rivière sans retour, d’Otto Preminger, où, par deux fois, Robert Mitchum malmène sèchement Marilyn Monroe.

Ce climat inédit peut mener à minorer des artistes – la conservatrice de musée, Ashley Remer, qualifie Gauguin de « pédophile arrogant et surestimé ». Il y a le risque, aussi, de privilégier des créateurs qui débordent de bons sentiments alors que l’art n’a pas à être moral. Dans Le Monde le 24 octobre, notre confrère Arnaud Leparmentier décrivait le Musée d’art moderne de New York agrandi comme multiculturel et sans « la moindre œuvre qui dérange ».

La question centrale est celle de l’anachronisme. Juger les créateurs du passé avec notre morale d’aujourd’hui invite à censurer Hitchcock, Michael Jackson, Céline, Egon Schiele, Balthus, Nabokov, Cervantès, Shakespeare, Monet, Picasso et tant d’autres. Nathalie Bondil, la directrice du Musée des beaux-arts de Montréal, a trouvé la juste mesure : « Contre la censure mais contre l’indifférence. »

Et puis arrêtons d’infantiliser le public. Faisons-lui confiance. Lui dire ce qu’il faut penser, c’est parasiter sa rencontre intime avec les œuvres. Philippe Lançon, auteur du Lambeau (Gallimard, 2018), l’explique magnifiquement à propos de Polanski dans Charlie Hebdo du 20 novembre. Au contraire, des lieux de création s’autocensurent par crainte d’un concept en vogue, le relativisme culturel, déjà bien ancré dans l’université américaine : la liberté de création n’est pas absolue, elle s’arrête là où commence le droit de communautés qui demandent des « safe space » – des espaces où leurs convictions ne sont pas heurtées.

Inquiétant ? Disons cyniquement que le meilleur rempart contre les nouveaux censeurs est économique. Les artistes qui attirent les foules dans les musées sont des hommes, blancs, morts. Gauguin, par exemple.

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Morgan Kane
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Morgan Kane



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MessageSujet: Re: L'art et la vertu de l'artiste   L'art et la vertu de l'artiste Icon_minitimeSam 30 Nov - 7:10

Jugement de l’artiste, jugement de son œuvre ?

Faut-il juger les artistes ? Faut-il juger leur œuvre en fonction de leur « vertu » ?

Je dirais que, globalement, je suis d’accord avec la chronique, sous quelques réserves.

L’une d’entre elle concerne Mickaël Jackson, un contemporain, que nous pouvons donc juger selon les normes et lois en vigueur à notre époque.

Ceci dit, il est légitime de juger les artistes !

Concernant Gauguin, il était un pédophile, même s’il n’était pas légalement condamnable et si les mœurs de l’époque admettaient ce genre de comportement. J’ajoute qu’atteint de la syphilis, il a sciemment contaminé les gamines.

Un autre pédophile célèbre est Gide.

Mais je dirais que le procès doit être juste.

Gauguin a été un des premiers à défendre les indigènes et à mettre en valeur leurs femmes.

Gide a été Dreyfusard, anti colonialiste, et lucide sur l’URSS …

Faut-il juger les œuvres en fonction de la vertu de l’artiste ?

Manifestement, non.

On doit juger le contenu, mais en fonction du contenu lui-même. On doit tenir compte de la personnalité de l’artiste, de ses intentions, dans la mesure où elles éclairent l’œuvre, mais il ne faut pas s’interdire de mettre en valeur ce qu’elle a de fort, de beau, sous prétexte que l’artiste aurait été défaillant.

En tous, cas, la censure ne peut s’exercer que dans la mesure où l’œuvre contredit la loi à l’époque à laquelle elle est produite, et encore. Souvenez-vous des destructions d’œuvre d’art dégénérées par les nazis.

A chacun de juger lui-même.

Je dirais que la volonté de certains de censurer certaines œuvres parce qu’elles constituent des atteintes à leur « passé » ou à leurs « valeurs », d’ailleurs mythifiées, m’est insupportable.

Nous sommes dans une époque néo puritaine où le communautarisme et le politiquement corrects rejoignent le conservatisme.

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Nelly
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MessageSujet: Re: L'art et la vertu de l'artiste   L'art et la vertu de l'artiste Icon_minitimeDim 1 Déc - 15:32

Morgan Kane a écrit:
Jugement de l’artiste, jugement de son œuvre ?

Faut-il juger les artistes ? Faut-il juger leur œuvre en fonction de leur «  vertu » ?

Je dirais que, globalement, je suis d’accord avec la chronique, sous quelques réserves.

L’une d’entre elle concerne Mickaël Jackson, un contemporain, que nous pouvons donc juger selon les normes et lois en vigueur à notre époque.

Ceci dit, il est légitime de juger les artistes !  

Concernant Gauguin, il était un pédophile, même s’il n’était pas légalement condamnable et si les mœurs de l’époque admettaient ce genre de comportement. J’ajoute qu’atteint de la syphilis, il a sciemment contaminé les gamines.

Un autre pédophile célèbre est Gide.

Mais je dirais que le procès doit être juste.

Gauguin a été un des premiers à défendre les indigènes et  à mettre en valeur leurs femmes.

Gide a été Dreyfusard, anti colonialiste, et lucide sur l’URSS …

Faut-il juger les œuvres en fonction de la vertu de l’artiste ?

Manifestement, non.

Une faute peut-elle être rattrapée parce qu'une bonne chose a été faite ensuite ?  Suspect

Ce qui est curieux, c'est de relever tellement d'années plus tard les vices de ces artistes. Ils ont été encensés et admirés. Peut-on réellement revenir en arrière ?

Nous parlions dernièrement du film de Polanski. Le problème est identique.

C'est vrai que lorsqu'on apprécie les oeuvres de Gauguin, la façon dont il a travaillé, on ne pense pas forcément à sa vie, surtout quand certains choses sont dévoilées aussi tard. De plus, comme tu dis, il faut se remettre dans le contexte de l'époque.

Morgan Kane a écrit:
On doit juger le contenu, mais en fonction du contenu lui-même. On doit  tenir compte de la personnalité de l’artiste, de ses intentions, dans la mesure où elles éclairent l’œuvre, mais il ne faut pas s’interdire de mettre en valeur ce qu’elle a de fort, de beau, sous prétexte que l’artiste aurait été défaillant.  

Très difficile d'être aussi objectif. Peut-être que quand une oeuvre est belle, on ne sait pas imaginer la noirceur intérieure du bonhomme. Celui-ci peut-être faire de belles choses en étant obscur ?

Morgan Kane a écrit:
En tous, cas, la censure ne peut s’exercer que dans la mesure où l’œuvre contredit la loi à l’époque à laquelle elle est produite, et encore. Souvenez-vous des destructions d’œuvre d’art dégénérées par les nazis.

Les nazis ne sont pas une référence, à mon avis, car ils étaient de parti pris.

Morgan Kane a écrit:
A chacun de juger lui-même.

Je dirais que la volonté de certains de censurer certaines œuvres parce qu’elles constituent des atteintes à leur « passé » ou à leurs « valeurs », d’ailleurs mythifiées, m’est insupportable.

Nous sommes dans une époque néo puritaine où le communautarisme et le politiquement corrects rejoignent le conservatisme.  

Nous vivons effectivement une époque où on ne sait plus rire de rien, où des choses banales sont montrées du doigt, où il faut peser ses mots, alors qu'on ne pense pas à mal.

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Kitara
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Kitara



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MessageSujet: Re: L'art et la vertu de l'artiste   L'art et la vertu de l'artiste Icon_minitimeDim 1 Déc - 18:57

Je trouve que c'est une question difficile, à laquelle j'ai du mal à répondre.

Il m'est arrivé d'écouter de la musique genre métal que j'aime bien, sachant que le groupe est plus ou moins sataniste. Mais ça ne m’empêche pas d'apprécier la musique.

Pour des artistes comme Gauguin, il y a quelque part une dissociation qui se fait entre l'oeuvre et la personne, mais ceci parce que le temps a passé.
Est-ce que les oeuvres de Gauguin sont moins belles parce qu'il était pédophile ? Je ne le crois pas. Il a peint avec son talent, ses émotions, et à ce moment là, il était une personne à part entière et pas seulement caractérisé par cette caractéristique perverse de sa personnalité.
Et dans le contexte de l'époque, ce n'était pas si grave de plus. Donc la perversité de cet homme n'était connue ni de lui ni des autres au moment où il a peint.

Donc je ne pense pas que ça serait utile de brûler ses toiles pour cette raison.
Ce qui ne veut pas dire que je minimise la pédophilie bien sur. Mais pour moi, ce n'est plus d'actualité : il est mort, il ne profite plus de la notoriété de ses toiles. Ca ne change plus rien ce qu'il a été ou pas.

Par contre, pour Polanski c'est pas pareil. Même si il produit des films de talent, les cautionner, c'est lui rendre service quand même. Et là je n'ai pas du tout envie de ça. Donc j'attendrais qu'il soit mort !
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marie-josé
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MessageSujet: Re: L'art et la vertu de l'artiste   L'art et la vertu de l'artiste Icon_minitimeMer 4 Déc - 10:44

Kitara a écrit:
Je trouve que c'est une question difficile, à laquelle j'ai du mal à répondre.

Il m'est arrivé d'écouter de la musique genre métal que j'aime bien, sachant que le groupe est plus ou moins sataniste. Mais ça ne m’empêche pas d'apprécier la musique.

Pour des artistes comme Gauguin, il y a quelque part une dissociation qui se fait entre l'oeuvre et la personne, mais ceci parce que le temps a passé.
Est-ce que les oeuvres de Gauguin sont moins belles parce qu'il était pédophile ? Je ne le crois pas. Il a peint avec son talent, ses émotions, et à ce moment là, il était une personne à part entière et pas seulement caractérisé par cette caractéristique perverse de sa personnalité.
Et dans le contexte de l'époque, ce n'était pas si grave de plus. Donc la perversité de cet homme n'était connue ni de lui ni des autres au moment où il a peint.

Donc je ne pense pas que ça serait utile de brûler ses toiles pour cette raison.
Ce qui ne veut pas dire que je minimise la pédophilie bien sur. Mais pour moi, ce n'est plus d'actualité : il est mort, il ne profite plus de la notoriété de ses toiles. Ca ne change plus rien ce qu'il a été ou pas.

Par contre, pour Polanski c'est pas pareil. Même si il produit des films de talent, les cautionner, c'est lui rendre service quand même. Et là je n'ai pas du tout envie de ça. Donc j'attendrais qu'il soit mort !

je suis d'accord avec ce que tu dit,loeuvre est là, elle nous parle ou pas, celui qui l'a concue est un artiste et doit être considéré comme tel, l'homme ou la femme est a séparer de son oeuvre,car au moment qu'il l'a réaliser il (elle ) était a 100% dedans .

Rien a voir avec le comportement extérieur a l'oeuvre et qui fait partie du passé.

par contre ,ce qui est actuel,doit être dénoncé et boycôté,car il est impensable que c'est prédateurs puissent vivrent aisément de leur notorité ou de leur travail.
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MessageSujet: Re: L'art et la vertu de l'artiste   L'art et la vertu de l'artiste Icon_minitime

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