Voile Abaya et Qamis

Voile Abaya et Qamis

Le débat est totalement faussé par la mauvaise compréhension de ce que ces vêtements représentent.

En effet, ces vêtements ne sont pas d’origine religieuse ou musulmane, ce sont des vêtements d’origine culturelle.

L’obligation de se voiler figurait déjà dans le code d’Hammourabi, rédigé vers 1750 avant J.-C., pour les femmes d’âge nubile, sauf pour les prostituées et pour les esclaves. Une des difficultés tient à ce que nous ne sommes pas sûrs de ce qu’on entendait par voile à l’époque, le fait de couvrir sa poitrine, ou ses cheveux ?

Le voile était courant au Moyen-Orient. La mère de Jésus-Christ était voilée.

Paul de Tarse, dans la Première épître aux Corinthiens, 11 : 2-16, écrit :

« Le chef de tout homme, c'est le Christ ; le chef de la femme, c'est l'homme ; le chef du Christ, c'est Dieu. 4 Tout homme qui prie ou prophétise la tête couverte fait affront à son chef. 5 Mais toute femme qui prie ou prophétise tête nue fait affront à son chef ; car c'est exactement comme si elle était rasée. 6 Si la femme ne porte pas de voile, qu'elle se fasse tondre ! Mais si c'est une honte pour une femme d'être tondue ou rasée, qu'elle porte un voile ! 7 L'homme, lui, ne doit pas se voiler la tête : il est l'image et la gloire de Dieu ; mais la femme est la gloire de l'homme. »

Ce texte a durablement imposé de se couvrir la tête dans tout le monde chrétien alors que le voile des femmes n'était auparavant qu'une pièce de vêtement d'origine païenne localisée dans les villes des pourtours de la Méditerranée aussi bien en Occident qu'en Orient.

Un texte chrétien du début du IIIe siècle, la Didascalie des apôtres énonce : « Toi qui es chrétienne, (…) si tu veux être fidèle, ne plais qu’à ton mari, et quand tu marches sur la place publique, couvre toi la tête avec ton habit, afin que le voile cache ta grande beauté, n’orne pas la face de tes yeux, mais baisse les yeux et marche voilée. »

Mon arrière-grand-mère ne serait jamais sortie de chez elle sans chapeau et voilette.

S’agissant du voile en Islam, dans le Coran, les versets cités à l’appui de cette pratique se trouvent dans deux sourates (les 24 et 33). Dans la première, les versets 30 et 31 indiquent : « Dis aux croyants qu’ils baissent leurs regards et gardent leur chasteté. C’est plus pur pour eux. (…) Et dis aux croyantes qu’elles baissent leurs regards, qu’elles gardent leur chasteté, et qu’elles ne montrent de leurs parures que ce qui en paraît, et qu’elles rabattent leur voile sur leur poitrine ; et qu’elles ne montrent leurs parures qu’à leur mari, ou à leur père (…) » ou à des familiers énumérés par le texte.

La sourate 33 professe, au verset 59 : « O Prophète ! Dis à tes épouses, et à tes filles, et aux femmes des croyants de ramener sur elles leurs grands voiles ; elles en seront plus vite reconnues et exemptes de peine. »

Les interprétations sont divergentes mais le Coran ne contient rien qui ne soit en adéquation avec les coutumes majoritaires en vigueur.

La difficulté est réellement née avec les successeurs du prophète, dont certains étaient fortement misogynes, et ont réduit la femme à un statut très inférieur à celui de l’homme.

Par ailleurs, la femme a été regardée comme impure et tentatrice par nature. La femme idéale est celle qui reste chez elle, enfermée. À défaut, elle ne doit pas sortir de chez elle sans être empaquetée, ne laissant rien voir d’elle. L’exemple le plus extrême aujourd’hui est celui donné par les talibans en Afghanistan.

L’abaya et le qamis constituent des exemples du même ordre. Les musulmans peuvent dire à bon droit que leur port n’a rien à voir avec la religion.

Il s’agit en général d’une longue tunique arrivant au-dessus des chevilles. Très ancré dans la culture arabe, et différent selon les régions, le qamis n'est cependant pas un vêtement musulman, mais une tenue traditionnelle arabe préexistante à l'islam1.

Le qamis est le vêtement que portent les hommes musulmans, en règle générale, pour se rendre à la mosquée, pour prier. Les buts religieux de ce vêtement sont de couvrir les parties intimes de l’homme (appelées en arabe awra العورة qui signifie parties cachées), de ne pas être ostentatoire dans sa tenue mais également d’imiter le prophète de l’islam qui est le modèle des musulmans. Si le qamis est confectionné de manière large et ample, c'est aussi dans le but de respecter la règle religieuse qui est de ne pas dévoiler les formes de son corps.

Outre l’aspect religieux, cette tenue, se trouvant sous plusieurs formes selon les pays ou régions du monde, est aussi un vêtement porté traditionnellement par des populations.

L'abaya est un vêtement féminin qui couvre l’ensemble du corps à l’exception du visage et des mains. À l'origine l'abaya est un habit traditionnel bédouin, porté par les femmes dans le désert pour se protéger des conditions climatiques, en effet, le caractère ample de la robe permet de subir de plus fortes chaleurs avec plus de confort. Ce vêtement devient par ailleurs, pour certains, un symbole religieux islamique valorisant la modestie, mais il est aussi perçu comme un héritage culturel, différent de la question religieuse.

Les pays utilisant régulièrement l'abaya se basent sur le Coran (33:59)14. Si celui-ci encourage effectivement la modestie et l'absence de vanité chez les fidèles, le port de l'abaya n'y est pas explicitement mentionné. Il est ainsi fréquent (notamment chez les étrangères) que l'abaya soit porté par simple respect des coutumes locales, sans motivation religieuse. Une majorité de femmes musulmanes respectent l'impératif religieux sans porter l'abaya.

Formellement, l'abaya n’est plus obligatoire en Arabie saoudite depuis 2022. Il l’est au Qatar. Il ne l’est pas dans le reste du Moyen-Orient (Liban, Syrie, Yémen, etc.) ni en Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte).

Tant que les responsables politiques et administratifs ne reconnaitront pas que le problème n’est pas religieux, mais qu’il est politique et culturel, elles seront à côté de la plaque. Pour les islamistes, le but est d’imposer leurs normes dans l’espace le plus large possible, de marquer leur territoire.

Pour ceux et celles qui voudraient défendre le droit des musulmanes à s’habiller comme elles le veulent, souvenez-vous que, pour toute femme, la liberté de ne pas s’habiller comme on veut le lui imposer est au moins aussi précieuse.

Dans les années 50, quand les frères musulmans sont intervenus au parlement égyptien pour demander que le port du voile soit rendu obligatoire, les autres parlementaires ont rigolé.

En Iran, au début des années 70, les femmes laïques ont manifesté aux côtés des femmes islamistes pour défendre leur droit de porter le voile ! Quand les ayatollahs ont pris le pouvoir, les femmes islamistes n’ont pas manifesté contre le port obligatoire du voile.

Tout en cherchant à imposer abayas et qamis aux populations définies par eux comme musulmanes, ils veulent interdire de manière générale leurs normes vestimentaires, par exemple interdire le port de la jupe courte, selon leurs critères.

À mon sens, l’enjeu ne se limite pas au vêtement.

Quel vaste sujet...

Effectivement, ce sont des vêtements culturels et traditionnels, mais étroitement liés à la religion car il s'agit de traditions de pays où le pouvoir est religieux, donc c'est déjà une approche différente de la tradition que chez nous.

Là où je suis assez contente (façon de parler) c'est le fait qu'il ne s'agisse pas, pour une fois, uniquement de la tenue des femmes. Il est question des abayas et qamis, et je trouve que ça change beaucoup la donne.

Mais il n'empêche que l'abaya est une robe longe avec des manches, et qu'on peut toutes avoir dans notre garde robe des robes longues avec des manches. Comment faire la différence ?


Après avoir longtemps réservé mon jugement, j'avoue que je cautionne plutôt la décision de Gabriel Attal de les interdire. Parce que je trouve que la question vestimentaire, c'est une chose, mais la question de l'école c'est autre chose, et c'est prioritaire à mon sens.


Actuellement, il est impératif de tout faire pour que notre éducation nationale, déjà dans un état déplorable, puisse faire son boulot le plus sereinement possible.

Passé un temps, les garçons n'avaient pas le droit de venir avec des casquettes à l'école (ça n'a duré qu'un temps). Les écoles avaient évalué que la casquette, ça faisait "racaille", ça entrainait plus de comportements subversifs, et d'une façon globale, ça perturbait la sérénité de l'école.
Bah du coup, on ne mettait pas de casquettes aux gamins, et c'était ok.

Les écoles ont le droit de donner un cadre vestimentaire si celui-ci entraine un meilleur fonctionnement de l'école.
A partir d'un moment où un vêtement pose problème, religieux ou pas, ce n'est pas nouveau que les écoles puissent l'interdire.



Pour ma part, plus ça va, plus je suis pour le port de l'uniforme, ça permettrait de se recentrer sur les questions importantes comme le nombre d'enseignants sans être parasité par ce genre de questions.

Kitara a écrit:

Après avoir longtemps réservé mon jugement, j'avoue que je cautionne plutôt la décision de Gabriel Attal de les interdire. Parce que je trouve que la question vestimentaire, c'est une chose, mais la question de l'école c'est autre chose, et c'est prioritaire à mon sens.

Actuellement, il est impératif de tout faire pour que notre éducation nationale, déjà dans un état déplorable, puisse faire son boulot le plus sereinement possible.

Je suis absolument d'accord avec toi. Certains vêtements sont provocateurs. Cela donnera des clans et donne l'impression de se réclamer d'une religion. Pourquoi faudrait-il toujours trouver une manière de se faire remarquer par ce biais. C'est insidieux et réfléchi.

Kitara a écrit:

Passé un temps, les garçons n'avaient pas le droit de venir avec des casquettes à l'école (ça n'a duré qu'un temps). Les écoles avaient évalué que la casquette, ça faisait "racaille", ça entrainait plus de comportements subversifs, et d'une façon globale, ça perturbait la sérénité de l'école.
Bah du coup, on ne mettait pas de casquettes aux gamins, et c'était ok.

Les écoles ont le droit de donner un cadre vestimentaire si celui-ci entraine un meilleur fonctionnement de l'école.
A partir d'un moment où un vêtement pose problème, religieux ou pas, ce n'est pas nouveau que les écoles puissent l'interdire.

Pour ma part, plus ça va, plus je suis pour le port de l'uniforme, ça permettrait de se recentrer sur les questions importantes comme le nombre d'enseignants sans être parasité par ce genre de questions.

Quand nous étions au pensionnat, nous devions porter une blouse bleue sur nos vêtements, en classe. Il était également interdit de porter des pantalons, trop masculins pour les religieuses. Certaines d'entre nous prenaient le bus en pantalon, une juge fourrée dans un sac, qu'elle revêtaient avant d'entrer au pensionnat. On ne voyait plus le pantalon et les soeurs l'acceptaient. Aucun parent n'a jamais réclamé à ce sujet.

Ce qui est gênant dans cette histoire est qu'elle provoque toujours des polémiques qui entretiennent une ambiance lourde et difficile à gérer. Rien n'est facile pour les enseignants pour lesquels le travail et surtout la gestion des élèves deviennent de plus en plus lourds.