philo Z'amis
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| Contes philosophiques | |
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+10Thierry Brumes dombom anémone clementine Marie-jo 17 Charlestone Nelly stip renal 14 participants | |
Auteur | Message |
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marie-josé ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mer 12 Jan - 8:58 | |
| de plus en plus, les ouvriers spécialisés se font rares! je pense donc que oui, car quand on est adroit de ses mains,on peut presque tout faire, et ne dit-on pas ,de celui qui le possède:
il a de l'or dans les mains? | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Jeu 13 Jan - 8:43 | |
| Un partage équitable
Deux frères avaient à se répartir les biens de leur père mort, mais ils n'arrivaient pas à se mettre d'accord. Des avocats et des juges s'en étaient mêlés. Aucun n'était parvenu à leur trouver un arrangement. On alla donc voir un saint homme réputé pour sa sagesse, et on lui exposa le problème. - C'est fort simple, leur dit-il. Que l'aîné partage les biens en deux parts ; et que le cadet choisisse en premier. De la sorte, aucun des deux ne pourra se sentir lésé. Sa procédure parut si astucieuse qu'on prit désormais l'habitude de l'appliquer chaque fois qu'il y avait un litige. (D'après un conte français)
Voilà une procédure fort habile. Personne ne peut ainsi se plaindre ! Ni le premier, puisque c'est lui qui a fait les parts, ni le second, puisque c'est lui qui a choisi ! On remarquera que le sage réussit là où juges et avocats ont échoué. (Michel Piquemal) | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Lun 17 Jan - 7:22 | |
| Le cheval d’ Al-Mamun
Le calife de Bagdad, nommé Al-Mamun, possédait un magnifique cheval arabe. Un membre d'une tribu nommé Omah était désireux d'acheter ce cheval ; il offrit plusieurs chameaux en échange, mais Al-Mamun ne voulait pas se départir de son cheval. Cela rendit Omah tellement furieux qu'il décida d'acquérir le cheval par la ruse. Informé qu'Al-Mamun devait passer à cheval sur une certaine route, il se coucha le long de celle-ci, déguisé en mendiant très malade. Or Al-Mamun était un homme au cœur tendre. À la vue du mendiant, il fut pris de pitié, descendit de cheval et offrit à l'homme de l'emmener. Il le souleva doucement, le plaça sur son cheval, avec l'intention de monter avec lui. Mais, dès qu'il fut en selle, le faux mendiant partit au galop tandis qu'Al-Mamun courait après lui et lui criait d'arrêter. Quand il fut à une distance suffisante de son poursuivant, le voleur s'arrêta et regarda en arrière. - Tu m'as dérobé mon cheval, cria Al-Mamun, j'ai une faveur à te demander. - Laquelle ? cria l'autre. - Que tu ne dises à personne comment tu as acquis ce cheval. - Et pourquoi ? - Parce qu'un jour, quelqu'un de réellement malade peut être couché le long de la route et, si ton stratagème est connu, les gens passeront près de lui sans lui porter secours. (Anthony De Mello (1931-1987), Dieu est là, dehors, 2 vol., Bellarmin, 1992 et 1995, Canada)
« Le fait de savoir qu’il y a des gens capables du pire empoisonne notre société. On ne laisse pas sa maison ouverte de peur d'être cambriolé. On n'autorise pas les enfants à jouer dans la rue. On n'ose pas faire confiance à un inconnu. On n'accueille pas un étranger... Tout ce qui ferait de nous des êtres humains insouciants et généreux est contrecarré par la peur. Pourtant, n'y a-t-il pas cent fois plus de gens honnêtes que de malhonnêtes ? À force de mettre constamment en scène la violence, les médias ne portent-ils pas une responsabilité dans la déshumanisation de notre société ?(Michel Piquemal) » | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mar 18 Jan - 8:51 | |
| L’écho ne nos paroles
Un jeune berger emprunta un jour un nouveau sentier avec son troupeau. Il lui sembla alors entendre le bruit de sonnailles d'un autre troupeau. Cela le remplit de joie, car il avait bien envie de se faire un ami. Il appela : - Qui est là? Et il entendit aussitôt d'autres voix répondre : - Qui est là ? Qui est là ? Qui est là ? Il y avait donc d'autres bergers comme lui dans la vallée. Il s'écria alors : - Où êtes-vous, je ne peux pas vous voir ! Et les voix répondirent : - Pas vous voir, pas vous voir, pas vous voir ! Cela le mit en colère. Les autres bergers se cachaient et se moquaient de lui. Il leur cria : - Montrez-vous, imbéciles ! Et les voix répondirent : - Imbécile, imbécile, imbécile ! Cela lui fit un peu peur. Il n'était pas de taille à lutter contre tous ces bergers. Il rassembla bien vite son troupeau et rentra à la maison. Son grand-père, le voyant revenir tout en sueur, le questionna : - Qu'y a-t-il, mon petit ? On dirait que tu as vu le diable dans la vallée ! Le jeune garçon lui raconta sa mésaventure. Il lui parla de tous ces bergers qui se cachaient, prêts à l'attaquer. Le grand-père comprit que l'enfant; s'était fait peur tout seul, en entendant l'écho de sa propre voix... et il le rassura. - Ces bergers-là ne te veulent pas de mal. Ils attendent seulement de toi une phrase amicale. Demain, lorsque tu retourneras dans les pâturages, commence par leur dire bonjour. Le lendemain, lorsqu'il atteignit le fond de la vallée, le jeune berger cria joyeusement : - Bonjour ! Et l'écho répondit : - Bonjour, bonjour, bonjour ! Il ajouta : - Je suis votre ami ! Et l'écho reprit : - Ami, ami, ami ! Alors la peur quitta le cœur de l'enfant. Il comprit que chaque fois qu'il disait des paroles gentilles, les voix lui répondaient de même. Et, lorsqu'il devint adulte, il garda toujours en mémoire cette leçon. (D'après un conte hindouiste)
« Si l’on va vers les autres le cœur plein d'agressivité, ils nous répondent par leur violence, mais si l’on va vers les autres avec confiance, ils y répondent comme en écho. Le regard qu'on porte sur eux les modifie. L'amour engendre l'amour, et la haine, la haine. En avez-vous déjà fait l'expérience ? Sinon, il est temps d'essayer cette recette de vie.(Michel Piquemal) | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Jeu 3 Fév - 8:50 | |
| Une histoire pleine de lumière ! Personne n’osait passer dans un chemin où un serpent venimeux avait élu domicile. Un " mahâtmâ " (épithète donnée aux hommes qui ont atteint la perfection morale ou spirituelle) ayant un jour suivi cette route, des enfants qui gardaient les troupeaux se précipitèrent pour l’avertir. " Je vous remercie, mes enfants, répondit le sage, mais je n’ai pas de crainte. D’ailleurs, je connais des mantras qui me protégeront contre toute attaque ". Et il continua d’avancer. Brusquement, le cobra se dressa contre lui. Mais en approchant du Saint Homme, il se sentit soudain pénétré de la douceur du " yogin " (celui qui pratique le yoga). Le Sage voyant le serpent, prononça une formule magique et le serpent s’écroula à ses pieds. Alors le Sage lui demanda : " mon ami, as-tu l’intention de me mordre ? " Le serpent stupéfait ne répondit rien. " Voyons dit le mahâtmâ, pourquoi fais-tu ainsi du mal à d’autres créatures? Je vais te donner une formule sacrée que tu répéteras constamment. Ainsi tu apprendras à aimer Dieu. Et en même temps tu perdras tout désir de faire le mal. " Et il lui murmura la formule à l’oreille. Le serpent s’inclina en signe d’assentiment, puis rentra dans son trou pour y vivre d’innocence et de pureté, sans avoir jamais plus le désir de blesser un être vivant. Au bout de quelques jours, les enfants du village voisin s’aperçurent de ce changement d’attitude et, pensant que le serpent avait perdu son venin, ils se mirent à le tourmenter, à lui jeter des pierres et à le traîner sur les cailloux. Le serpent grièvement blessé, se laissa faire et alla se cacher dans son trou. A quelques temps de là, le sage repassa par ce chemin et chercha le serpent, mais en vain. Les enfants lui dirent que l’animal était mort, mais il ne put pas les croire. Il savait en effet que le nom de Dieu a une telle puissance qu’on ne saurait en aucun cas mourir avant d’avoir résolu le problème de la vie, c’est-à-dire avant d’avoir réalisé Dieu. Il continua donc d’appeler le cobra. Finalement celui-ci, qui était presque réduit à l’état de squelette, sortit de son trou et s’inclina devant son maître : " comment vas-tu, demanda le sage? Fort bien, Seigneur, merci : par la grâce de Dieu tout va bien. Mais pourquoi es-tu dans cet état? Conformément à tes instructions, je cherche à ne plus faire de mal, à aucune créature : je me nourris maintenant de feuilles. C’est pourquoi j’ai un peu maigri. Ce n’est pas le changement de régime qui a suffi à te mettre dans cet état : il doit y avoir autre chose. Réfléchis un peu ! - Ah oui je me souviens : les petits bergers ont été un peu durs pour moi, un jour. Ils m’ont pris par la queue et m’ont fait tournoyer, me frappant contre des pierres. Ces pauvres petits ne savaient pas que je ne les mordrais plus! " Le Sage répondit en souriant : " Pauvre ami, je t’ai recommandé de ne mordre personne, mais je ne t’ai pas défendu de siffler pour éloigner les persécuteurs et les tenir en respect ! "
De même vous qui vivez dans le monde, ne blessez personne, mais ne laissez non plus personne vous molester ! Source: Anonyme...www.lespasseurs.com | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 13 Fév - 18:09 | |
| Le coq et le chacal
Jadis le chacal vint trouver le coq : — Fais-moi entendre une jolie chanson Puisque tu tiens de tes ancêtres une belle voix, c'est facile. Le coq surpris par le compliment, ferma les yeux et poussa son cocorico. Le chacal qui attendait qu'il eût les yeux clos lui bondit dessus. Alors qu'il l'emportait dans sa gueule, il tomba sur des chiens De garde qui l'assaillirent. Le coq conseilla au chacal : Dis-leur donc que tu n'as rien dérobé et qu'ils te laissent ton bien ! Lorsque le chacal ouvrit la gueule pour le leur dire le coq vola au sommet d'un arbre. Maudite soit ma bouche qui parle quand le silence est de rigueur ! Regretta le chacal. Maudits soient mes yeux fermés quand ils devraient être ouverts ! Se dit le coq. (Anonyme) | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mar 15 Fév - 8:45 | |
| LE CONTEUR PHILOSOPHE DE MICHEL PIQUEMAL EXTRAITS
Résumé : Sur une île, vit Sophios, le conteur philosophe. A son école, on pose des questions auxquelles le vieux sage répond toujours pas de malicieuses histoires où il évoque la liberté, le respect des lois, l’amitié, la différence, la destinée, l’écologie. Imprégnées des cultures du monde, ces fables de Sophios aident tous les curieux à entrer joyeusement en philosophie.
Lorsque je pénétrai pour la première fois dans la salle où Sophios donnait ses enseignements, je fus abasourdi par la façon dont cela se passait. L'un des élèves posait une question. Sophios réfléchissait, puis répondait par une fable que tous commentaient. Le premier jour, par exemple, je m'en souviens parfaitement, un élève demanda: - Maître, on dit souvent qu'on est à soi-même son propre ennemi. Pouvez-vous nous en donner une illustration ? Sophios ferma quelques instant les yeux, puis se mit à conter:Une mauvaise conseillère
Un jour que l'aigle était en chasse, le renard se glissa jusqu'à son nid et en dévora les œufs. Mais avant de partir, le rusé prit bien soin de parsemer le bord du nid de bouts de laine trouvés dans les buissons. Lorsque l'aigle rentra, sa colère n'eut pas de limite. On avait dévoré ses petits. Le mouton, car ce ne pouvait être que lui (la laine au bord du nid l'accusait!), avait osé commettre le pire des forfaits. Ivre de vengeance, l'aigle s'élança de son aire avec l'intention de se saisir des plus jeunes agneaux pour les précipiter dans un ravin. Mais au moment où il piquait vers le village, le brouillard se. leva, un brouillard épais comme de la poix... et il dut remettre son projet au lendemain. De retour dans son nid, la colère fit place à la réflexion. Comment le mouton avait-il pu grimper si haut et faire preuve de pareille audace? Et qui avait jamais entendu parler de moutons gobant des œufs? Il examina les alentours et ne trouva pas trace de sabots. Par contre, les empreintes du renard étaient parfaitement visibles sur la terre mouillée. L'aigle comprit alors la supercherie, bien digne du renard. Il comprit aussi combien la colère l'avait aveuglé. Il bénit le brouillard bien venu. À l'avenir, il réfléchirait mieux avant d'agir ! | |
| | | Brumes ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mar 15 Fév - 16:14 | |
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| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mer 16 Fév - 8:18 | |
| Et le jour suivant, Sophios nous conta une autre histoire, dont je compris qu'elle m'était destinée, à moi le novice, à moi l'étranger...
Le droit d’être différent Les grands de ce monde ont coutume de maintenir leur bonne entente par de petits cadeaux. Aussi, un jour, l'ambassadeur de Turquie fit porter au roi de Hollande les bulbes précieux d'une plante de son pays qu'il appelait «tulipe». Sans attendre, le jardinier du roi planta les bulbes en terre, mais son geste souleva dans les allées une vraie tempête : - Pas d'étrangères chez nous! s'écrièrent les autres fleurs, Elles vont déparer au milieu de nos belles couleurs ! Les embryons de tulipes, qui les entendirent, restèrent donc honteusement cachés au fond des bulbes. Les jours passaient, mais rien ne sortait. Le jardinier, qui était un peu sorcier, se douta qu'il y avait anguille sous roche et fit sa petite enquête auprès des tulipes cachées. Que se passe-t-il ? murmura-t-il. Pourquoi ne voulez-vous pas sortir de terre ? Quand il apprit le fin mot de l'histoire, il se dressa sur ses deux jambes et apostropha le jardin : - Vous n'avez pas honte ? Comment osez-vous traiter les tulipes d'étrangères ? Voulez-vous que je vous rappelle vos origines?... (Silence gêné!) Toi, l'œillet, tu viens d'Amérique... Toi, le chrysanthème, de Chine... Vous, le dahlia et le zinnia, du Mexique... Toi, l'hibiscus, tu as grandi sous les tropiques... Et toi, le camélia, dans la plus lointaine Asie... Toutes les fleurs baissèrent leur tige... Elles s'excusèrent sans tarder auprès des tulipes, qui acceptèrent de sortir de leur nid de racines. Le jardinier s'éloigna en maugréant: - Qui sait si celle que vous appelez «étrangère» ne sera pas un jour le symbole même de ce pays ? Il en est souvent ainsi avec les «étrangers»... | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Jeu 17 Fév - 7:34 | |
| Un compagnon qui aimait poser des questions dérangeantes interpella Sophios ainsi: - Maître, qu'est-ce qu'un bon maître ? - Qu'est-ce qu'un mauvais élève ? lui répondit Sophios.
Le mauvais élève
Simon avait toujours été mauvais élève. Depuis qu'il était petit, c'était ainsi : il était Simon le mauvais élève ! Lorsqu'il avait un devoir à faire, il était sûr par avance de le rédiger de travers. Lorsqu'on lui posait une question, même s'il connaissait la réponse, il bredouillait, s'affolait, et le maître soupirait. Simon ne ferait jamais rien de bien ! Mais un jour son maître fut malade et remplacé par un jeune stagiaire. En entrant dans la classe, sans trop savoir pourquoi, celui-ci posa une main amicale sur la tête de Simon. L'élève eut alors à cœur de lui faire plaisir, et il s'appliqua du mieux qu'il put sur ses lignes d'écriture. Lorsque le nouveau professeur ramassa les cahiers, il félicita Simon, au grand étonnement de toute la classe. Et durant les jours qui suivirent, Simon n'eut pas la moindre note médiocre. À son retour, le maître fut tout d'abord surpris par les cahiers de Simon, puis il oublia enfin de le regarder comme un mauvais élève. C'est à ce moment-là que Simon commença à faire de vrais progrès.
(Michel Piquemal) | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mar 1 Mar - 9:22 | |
| LE CONTEUR PHILOSOPHE DE MICHEL PIQUEMAL Notre maître portait à chacun une attention particulière. Nous sentions qu'il ne se contentait pas d'enseigner, mais qu'il nous écoutait, nous comprenait, nous respectait...Une partie de cartes
Un de mes camarades boitait. Jamais il n'en avait parlé à Sophios, mais celui-ci sentait bien que ce handicap le rongeait. Le jeune homme le vivait comme une terrible calamité qui l'empêcherait à tout jamais d'être heureux. Aussi, un jour, Sophios l'invita à faire une partie de cartes. L'élève fut un peu surpris, mais fier que Sophios s'intéresse à lui. Tout l'après-midi, ils distribuèrent, jouèrent, abattirent leurs cartes et le jeune homme s'y révéla acharné. À la fin du jour, alors que le jeune homme venait de gagner une partie avec un jeu pourtant médiocre, Sophios lui parla ainsi : - Vois-tu, le sort nous distribue à la naissance un certain nombre de cartes. Ensuite, c'est à nous de jouer. On peut réussir une belle partie avec des cartes pas fameuses, comme faire une partie médiocre avec tous les atouts dans son jeu. C'est pour cela que la vie vaut d'être vécue, peut-être même plus encore quand on a entre ses mains un jeu qu'il nous appartient de faire briller. On prétend que le jeune homme comprit le sens de cette allégorie ! | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Jeu 3 Mar - 8:05 | |
| Alors que nous nous promenions sur les hauteurs de l'île, nous aperçûmes dans le lointain un homme en armure. Inquiets, nous nous apprêtions à rebrousser prudemment chemin, mais Sophios nous contraignit à aller au devant de cet être effrayant... qui se révéla être un apiculteur, emmitouflé dans ses vêtements de protection. Alors Sophios composa à notre intention cette petite fable:Le lapin, la belette et l’aigle
Un lapin, qui n'avait pas vu grand-chose dans son existence, rencontra un jour un troupeau de vaches. Lorsqu'il vit ces énormes bêtes pourvues de terribles cornes luisantes comme des poignards, il détala à toutes pattes. À n'en pas douter, c'étaient là des monstres dangereux dont il devait bien se garder. Plus loin, à bout de souffle, il rencontra une belette. Elle semblait sommeiller sur une pierre au soleil. Elle était si gracieuse avec son fin museau, et si attirante avec sa fourrure soyeuse, qu'il s'approcha en toute confiance pour jouer avec elle. La belette, elle, le guettait du coin de l'œil, prête à lui sauter à la gorge. Mais un aigle qui volait dans le ciel avait vu la belette. Cela faisait déjà quelques minutes qu'il décrivait autour d'elle de larges cercles. Et au moment même où la belette tournait vers le lapin ses dents meurtrières, l'aigle lui fondit dessus et l'emporta. Puis il s'envola majestueusement vers le ciel dans le soleil couchant. Le jeune lapin admira le vol puissant, l'allure noble de celui qui lui avait sauvé la vie. «Je sais désormais qui sont mes amis, se dit-il. Ce sont ces grands oiseaux qui gouvernent le ciel.» Hélas, s'il avait su combien il ne faut pas juger les gens sur les apparences ! Cela lui aurait évité de servir plus tard de déjeuner à quelque jeune aiglon...
(LE CONTEUR PHILOSOPHE DE MICHEL PIQUEMAL) | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 6 Mar - 8:35 | |
| LE CONTEUR PHILOSOPHE DE MICHEL PIQUEMAL
Un élève vint un jour frapper à la porte de Sophios. Il trouvait que ses camarades le négligeaient - Maître, demanda-t-il, comment fait-on pour avoir des amis? - Ce n'est pas difficile, répliqua Sophios. Efforce-toi seulement de ne pas faire comme le paon... Le paon qui n’avait pas d’amis
Un matin, le paon se réveilla en se trouvant bien seul. Il se mit à se lamenter. Il n'avait pas d'amis. Personne ne venait jamais le trouver, ni parler, ni jouer avec lui. Bon nombre l'admirait pour son beau plumage, mais nul n'était son ami. Il alla se plaindre auprès de l'éléphant, qui était, en ce temps-là, le plus sage des animaux. - Regarde-moi, lui dit-il, je suis sans conteste le plus gracieux des oiseaux, pourtant on me fuit comme si j'avais la peste. Jamais une visite, jamais un signe d'amitié ! Dis-moi, toi que l'on prétend sage parmi les sages, pourquoi cette injustice et comment y remédier? - Il n'y a qu'une façon d'avoir des amis, lui répondit l'éléphant, c'est d'en être un soi-même. Au lieu de reprocher aux autres de ne pas venir vers toi, t'es-tu auparavant soucié d'aller vers eux? | |
| | | Nelly Admin
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 6 Mar - 13:01 | |
| - renal a écrit:
- - Il n'y a qu'une façon d'avoir des amis, lui répondit l'éléphant, c'est d'en être un soi-même. Au lieu de reprocher aux autres de ne pas venir vers toi, t'es-tu auparavant soucié d'aller vers eux?
Bel exemple. Ca paraît évident et pourtant... à méditer ! Au fond, tout le monde n'a pas cette facilité d'aller au-devant des autres. | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Lun 7 Mar - 6:59 | |
| Un de mes camarades avait tout pour être heureux, pourtant il traînait toujours sur lui une indicible mélancolie. Parfois, il était même prêt à mettre fin à ses jours tant la vie lui semblait pesante. Désespéré, il alla voir Sophios, car il voulait au moins comprendre d'où lui venait cette terrible malédiction.
Dis-moi ce que tu lis …
Sophios questionna longuement le jeune homme qui se prétendait malheureux. Il voulut savoir quel était le dernier livre qu'il avait lu, les musiques qu'il écoutait, le dernier spectacle auquel il avait assisté... Ce n'étaient que des œuvres austères et pleines d'angoisse. Il voulut savoir quels amis il fréquentait. À l'évidence, des jeunes hommes aussi tristes et désemparés que lui. Il lui demanda encore depuis quand il n'avait pas fait quelque chose de ses mains, depuis quand il n'avait pas joué au ballon, depuis quand il ne s'était pas levé la nuit pour regarder les étoiles. Autant de questions que le jeune homme accueillit avec un sourire moqueur. Voyons ! il était trop intellectuel pour travailler de ses mains, trop âgé pour jouer au ballon, trop sérieux pour faire quelque chose d'aussi futile que regarder les étoiles... Sophios poussa un grand soupir et murmura : Pour celui qui désire aller vers le soleil mais lui tourne obstinément le dos, le chemin risque d'être bien long, vraiment très très long !
LE CONTEUR PHILOSOPHE DE MICHEL PIQUEMAL
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| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mar 8 Mar - 7:50 | |
| Certains des enseignements de Sophios étaient bien loin de ce qu'on m'avait appris. Je me souviens qu'à la question «N'y a-t-il rien qui puisse surpasser l'amour ?», il répondit d'une manière peu conforme à la tradition :
Le sel du bonheur
À la mort de son mari, une jeune veuve resta seule avec son fils et décida de lui consacrer sa vie. Pour son enfant, elle voulait le bonheur et elle entreprit d'ôter de son chemin tout ce qui pouvait lui créer de la peine et du souci. Mais plus elle le protégeait, l'entourait d'affection, de douceur, de tranquillité, de sécurité, plus l'enfant s'étiolait. Elle lui offrait les plus beaux divertissements... il s'ennuyait encore et toujours, d'une langueur qui semblait maladive. Finalement, tant de dépenses menèrent la jeune veuve à la ruine. Le pécule que lui avait laissé son mari fondit comme neige. Elle dut changer de maison, travaillé... Elle était au désespoir de ne plus pouvoir gâter son fils. Il fallut abandonner les précepteurs privés, afin qu'il se rende à l'école ; là, il se heurta à la cruauté et aux moqueries de certains de ses camarades. La jeune femme tremblait pour ce fils qu'elle aimait trop. Mais, contrairement à ses craintes, l'enfant retrouva de l'entrain, de la joie, de l'enthousiasme. Il reçut enfin le baptême salé de la vie, avec ses douleurs, ses peurs et ses chagrins, et il put ainsi entrevoir ces portes du bonheur qu'elle lui avait toujours cachées
LE CONTEUR PHILOSOPHE DE MICHEL PIQUEMAL | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Jeu 10 Mar - 8:35 | |
| Plus les journées passaient, plus j'avais l'impression que les histoires de Sophios étaient comme autant de trésors, je regrettais celles que j'avais manquées et me mis à questionner mes camarades, afin de rattraper quelques leçons du temps passé. Chacun eut alors à cœur de me raconter une anecdote :
Le Molosse
Un molosse vivait dans un enclos au bout d'une lourde chaîne de fer. Son maître, le disant méchant et vicieux, déconseillait à quiconque de l'approcher. Il est vrai que ceux qui tendaient la pointe d'un bâton se le faisaient promptement déchiqueter. Ils partaient alors en se réjouissant de n'avoir pas approché leur propre main. Le maître ne gardait donc ce chien que pour protéger sa maison et organiser de temps en temps des combats avec d'autres molosses, où la bête montrait toujours sa supériorité en haine et en méchanceté. Les enfants, pour leur part, ne passaient jamais à côté de l'enclos sans y jeter quelques pierres. Or un jour, Sophios vint à traverser le village. En voyant ce molosse qui ruait de rage au bout de sa chaîne, il en éprouva de la compassion. Et il passa la journée près de lui sans se soucier de ses aboiements furieux. Au crépuscule, le molosse finit par se calmer et il écouta la voix douce de Sophios. Celui-ci put l'approcher, plus près et plus près encore, jusqu'à finalement le caresser. Il termina sa nuit dans l'enclos, et au petit matin, les villageois eurent la surprise de trouver leur bête fauve en train de lécher le vieil homme. Tous mirent cela sur le compte d'un miracle, et le propriétaire n'hésita pas à offrir le chien à Sophios. Mais ce dernier refusa l'idée d'une guérison miraculeuse. Il savait simplement ce que tous auraient dû savoir: le regard que l'on porte sur son prochain suffit à le changer.
LE CONTEUR PHILOSOPHE DE MICHEL PIQUEMAL | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Lun 14 Mar - 10:54 | |
| Un jeune homme arriva un jour de l'autre bout de l'île pour voir Sophios.Les lunettes
Ce jeune homme trouvait le monde triste et injuste. Les dirigeants étaient corrompus, les amis décevants, les bonheurs trop fugaces, les chagrins trop lourds... Ce monde valait-il vraiment la peine d'être vécu? - J'ai ce qu'il te faut! lui répondit Sophios en tirant un objet de sa poche. Prends cette paire de lunettes et tu verras que, si tu le veux bien, tout changera pour toi ! Le jeune homme repartit un peu perplexe. Mais dès le lendemain, il chaussa ses lunettes; or ce n'étaient que des lunettes normales, aux verres pareils à des vitres. Très en colère, il revint voir Sophios. - Ce ne sont que de simples verres ! - Bien sûr répliqua Sophios, car c'est à toi de changer ton regard sur le monde. Tu peux aussi bien voir ton verre de vin à moitié plein qu'à moitié vide. Tu peux te plaindre de la pluie... ou t'en réjouir parce qu'elle fait pousser les plantes, te réjouir du soleil... ou t'en plaindre parce qu'il éblouit tes yeux. Le monde passe par ton regard. À toi de chausser les lunettes que tu souhaites ! Si tu veux voir tout en gris, libre à toi, mais ne viens pas ensuite te plaindre ! | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mer 23 Mar - 11:15 | |
| Boire une bouteille vide
Un homme très avare demanda à son ami d’aller acheter du vin pour leur dîner. L’ami lui demanda alors l’argent pour le payer mais l’avare dit : Tout le monde est capable d’acheter du vin avec de l’argent. C’est trop facile ! s’en procurer sans dépenser le moindre sou, voilà qui est intéressant ! L’ami sortit sans ajouter un mot. Un instant plus tard, il revint et lui tendit une bouteille vide à l’avare qui se mit en colère : Mais où est le vin ? Il n’y en a pas la moindre goutte dans cette bouteille ! Tout le monde est capable de boire du vin quand la bouteille est pleine. C’est trop facile ! Étancher sa soif quand la bouteille est vide, voilà qui est intéressant !
Contes extraits de « Sagesses et malices de la Chine ancienne » De Lisa Bresner. Killoffer | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mer 23 Mar - 11:16 | |
| Oranges amères
Yan Zi du royaume de Qi fut envoyé comme ambassadeur pour rendre visite au roi de Chu. Le roi de Chu, qui était jaloux de la puissance du royaume de Qi, voulut humilier Yan Zi et demanda conseil à son Premier ministre. - J'ai une idée, dit ce dernier: pendant le banquet que vous donnerez en l'honneur de l'ambassadeur, faites venir les gardes avec un prisonnier puis demandez : « De quoi cet homme est-il coupable ?» On vous répondra : « C'est un voleur. » Puis demandez : « Dans quel pays est-il né ? » On vous répondra : « Dans le royaume de Qi. » Ainsi, poursuivit le Premier ministre, l'ambassadeur de Qi sera très embarrassé. Pendant le banquet, les gardes vinrent donc montrer le voleur du royaume de Qi au roi de Chu. Ce dernier dit à Yan Zi : - On dirait que les hommes de Qi sont nés pour devenir des voleurs ! - J'ai entendu dire, répondit Yan Zi, que les orangers que l'on plante au sud de la rivière Huai produisent des oranges sucrées et que les orangers que l'on plante au nord produisent des oranges amères. Les fruits des deux arbres paraissent identiques et pourtant leur goût est très différent. C'est une question d'environnement. Ainsi les hommes nés dans le royaume de Qi n'ont jamais rien volé mais dès qu'ils arrivent dans le royaume de Chu, ils deviennent des voleurs de la pire espèce. Pensez-vous que cela soit aussi une question d'environnement ?
Contes extraits de « Sagesses et malices de la Chine ancienne » De Lisa Bresner. Killoffer | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Jeu 24 Mar - 8:29 | |
| Un adulte remarquable
Un enfant reconnu pour sa grande intelligence avait été invité à déjeuner par un haut dignitaire. On peut être très intelligent lorsqu’on est jeune, ce n’est pas pour autant que l’on sera remarquable une fois adulte, dit l’un des convives. L’enfant répliqua : Plus jeune, vous étiez sans doute un géni ! Le convive ne sut quoi répondre et tout le monde éclata de rire. »
Contes extraits de « Sagesses et malices de la Chine ancienne » De Lisa Bresner. Killoffer | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mar 3 Mai - 6:14 | |
| Contes extrait de « Sagesses et malices du Zen » « Marc de Smedt »
Petit bambou, grand bambou
Un moine demande au maître : - Quelle est la définition du bouddhisme ? Le maître répond : - Je te le dirai quand il n’y aura personne alentour. Quelque temps plus tard, le moine revient voir le maître et lui dit : - Il n’y a plus personne, pouvez-vous me répondre ? Le maître l’entraîne dans le jardin jusqu’à la bambouseraie. Il ne dit rien. Le moine, ne comprenant rien, insiste. Alors le maître lui montre deux bambous et dit : - Regarde ce bambou-ci, il est court et tout petit. Et regarde celui-là, il est si grand ! Le moine comprend que le but de sa quête est de grandir intérieurement. | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mar 3 Mai - 12:06 | |
| Voici un conte, qui me plait bien. Il faut savoir malgré la mechanceté des hommes, se dire qu'ils ne sont pas tous pareils, et que au millieu de toutes cette population des banlieue, il existe des personnes humaine, qui savent être en paix et communiquer cette paix.
Le tableau le plus vrai
Un empereur fit faire un concours par des peintres : celui qui représenterait le mieux la paix dans un tableau gagnerait un prix. Beaucoup d'artistes s'essayèrent à peindre les plus beaux surmi-e*, mais seuls deux d'entre eux retinrent l'attention de l'empereur. Le premier représentait de hautes montagnes harmonieuses qui se reflétaient dans un lac magnifique, bleu comme le ciel Une image parfaite de la paix et de la sérénité. Le second, peint par un moine zen, représentait aussi des montagnes, mais celles-là farouches, abruptes, sinistres, se découpant sur un ciel zébré d'éclairs menaçants. Mais, dans un coin, à côté d'une cascade écumante, il y avait dans un trou de falaise sur un rocher à pic la dominant, un tout petit buisson dans lequel un oiseau avait construit son nid et couvait tranquillement. Lequel de ces tableaux l’empereur choisit-il ? Le second, car dit-il, c'est dans notre cœur qu'il faut savoir trouver la paix, même au milieu des pires difficultés» La paix n'existe pas si elle n'existe pas en nous-mêmes. | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mer 11 Mai - 7:03 | |
| Une journée, une vie
Un maître avait l'habitude de recevoir chaque fois un élève différent une heure avant la méditation du soir. Il leur faisait alors raconter par le menu leur journée : ce qu'ils avaient vu, mangé, goûté, ressenti, leurs colères et leurs moments de bonheur même minuscules, les envies qui leur étaient passées par la tête, mais aussi les frustrations, les dégoûts, les doutes, les désespoirs. Il leur faisait décrire certains visages croisés, inconnus, qui les avaient frappés, des scènes vécues ce jour-là dans la rue, chez eux, au travail ou ailleurs. Il les poussait à donner le maximum de détails, à vraiment se remémorer les moindres souvenirs de leur fonctionnement dans ce quotidien-là. Et à la fin, il les envoyait méditer dans le dojo en disant simplement ; « Une journée, une vie. »
Si nous y sommes attentifs, chaque jour, chaque nuit, chaque instant est différent. Et d'autres maîtres de la tradition zen ont dit qu'il faut vivre chaque jour de notre vie comme si c'était le dernier. Intensément. | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mar 31 Mai - 10:57 | |
| La première larme
Après avoir chassé Adam et Eve du Jardin d'Eden, Dieu vit leur contrition. Et il leur dit : - Malheureux enfants ! Je vous ai punis de votre faute et vous ai chassés du Jardin d Eden, où vous demeuriez bienheureux et insouciants. A présent, vous allez connaître un monde plein d'affliction et de difficultés. Je veux pourtant que vous sachiez que mon amour pour vous jamais ne cessera. C’est pourquoi j ai décidé de vous offrir cette perle inestimable de mon Trésor céleste. Regardez: c'est une larme. Chaque fois que le chagrin vous envahira, que vous aurez le cœur lourd et un esprit opprimé, Cette minuscule larme vous montera aux yeux, et votre fardeau sera ainsi allégé. A ces mots, Adam et Eve furent remplis de tristesse. Les larmes leur montèrent aux yeux, pour ensuite dévaler le long de leurs joues puis chuter au sol. Ce sont ces larmes qui, les premières ont arrosé la terre. Adam et Eve les ont légués en héritage précieux à leurs enfants. Depuis ce temps-là, quand un homme a le cœur lourd et l’esprit opprimé, les larmes lui montent aux yeux, et voici que se dissipe sa tristesse. (D’après le Talmud) | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Jeu 28 Juil - 13:28 | |
| L’aiglon
Une légende très connue en Afrique rapporte qu'un jour un chasseur trouva dans la forêt un aiglon tombé du nid. Il le prit avec lui, l'installa dans son poulailler. Le roi des oiseaux grandissait entouré de poussins qui lui apprirent très tôt à vivre comme eux : il picorait son maïs et, comme eux, il sautillait dans la basse-cour. Quelques mois plus tard, le paysan-chasseur se posa des questions sur les grandes ailes de cet oiseau majestueux qui pouvait parfaitement voler et qui ne l'avait jamais fait parce qu'il avait toujours été enfermé. Ce brave homme prit conscience de ce qu'il avait fait et décida de relâcher l'animal. Il le fit sortir du poulailler, le prit délicatement dans ses bras pour le déposer sur une colline. Là, il le hissa et lui dit : « Tu es un aigle. Tu es un oiseau du ciel, non pas de la terre. Ouvre tes ailes et vole ! » Mais l'oiseau ne bougea pas. Du haut de cette colline, Il aperçut les poulets et, en sautillant, alla les rejoindre. Le paysan ne faisait que lui dire : « Il ne faut pas te rabaisser au niveau de ces poules qui ne font que se chamailler pour picorer quelques grains par terre. Ouvre tes ailes et vole ! ». Mais le jeune aigle était de plus en plus troublé, cet objectif exigeant le dépassait. Il tremblait de tout son corps et montrait qu'il ne voulait que regagner cet endroit protégé. Le paysan ne se découragea pas. Le lendemain, très tôt, il l'emmena sur une très haute montagne. Au sommet, il le prit à nouveau, et le levant dans ses bras, il le força à regarder le soleil luisant du matin, tout en l'encourageant : « Tu es un aigle. Tu es né pour évoluer librement dans les airs, pour atteindre le soleil. Tu peux parcourir des distances énormes et jouer avec le vent. N'aie pas peur ! Vas-y, essaie ! Ouvre tes ailes et vole ! ». Alors, l'aigle, fasciné par la lumière, se dressa en seigneur, déploya lentement ses ailes, et avec un cri de triomphe, prit son envol, de plus en plus haut, pour disparaître à l'horizon. « Qui est né avec des ailes doit s'en servir pour voler », se dit le paysan qui repartit chez lui en chantant.
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| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 6 Nov - 9:16 | |
| Le froid et le chaud Deux amis marchaient dans la neige. - J’en ai assez, du froid, dit le premier, je voudrais que se soit l’été ! - Quand l’été sera là, tu te plaindras de la chaleur et tu regretteras la fraîcheur de l’hiver. - Peut être, mais aujourd’hui je suis transi. Le second des deux hommes eut alors une idée. Il creusa un trou dans la neige et il fit un feu avec du bois. Puis il dit à son ami : - Tu n’as qu’à te coucher contre le brasier. d’un côté, tu sentiras la morsure du froid, de l’autre, la chaleur du feu. Tu auras ainsi l’une et l’autre à la fois.
Le bonheur se trouve dans le juste milieu. | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 6 Nov - 9:17 | |
| Le sculpteur Un grand sculpteur, un jour, révéla son secret à son entourage. Pour sculpter un visage, deux règles : Faire un nez trop grand, pour commencer, car on peut toujours le diminuer, puis des yeux trop petits, car ils peuvent être agrandis, C’est toujours ainsi qu’il faut procéder :
Bien réfléchir avant d’agir, car certaines actions, une fois commises, ne peuvent être corrigées. | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mer 25 Jan - 20:36 | |
| La patience
Un jeune lettré venait d'être reçu au concours de mandarin. Avant de rejoindre sa première affectation officielle, il organisa une fête avec ses condisciples pour célébrer l'événement. Au cours de la soirée, l'un de ses amis, qui était déjà en poste depuis quelque temps, lui donna ce conseil : — Surtout, n'oublie pas : la plus grande vertu du mandarin, c'est la patience. Le fonctionnaire novice salua respectueusement son aîné et le remercia chaleureusement pour cette précieuse recommandation. Un mois plus tard, au cours d'un banquet, le même ami lui préconisa encore de bien s'appliquer à la patience. Notre jeune lettré le remercia avec un sourire amusé. Le mois suivant, ils se croisèrent dans les couloirs feutrés d'un ministère. L'aîné attrapa la manche du cadet, le tira vers lui et lui souffla dans l'oreille son sempiternel conseil. L'autre, contrairement à l'étiquette ouatée qui était de rigueur dans les bâtiments officiels, retira brusquement sa manche de soie et s'écria : — Tu me prends pour un imbécile ou quoi ? Voilà trois fois que tu me répètes la même chose ! Pendant qu'un cortège de dignitaires outrés se retournait, le mentor déclara : — Tu vois, j'ai bien raison de le répéter. Mon conseil n'est pas si facile à mettre en pratique ! (Contes des sages taoïstes, Pascal Fauliot. Seuil (p. 125-126). | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 12 Fév - 14:06 | |
| Pour ceux qui aiment les contes, un petit extrait de Henri Gougaud, conteur !!
Les contes
« L'idée que les contes sont faits pour les enfants est fausse. Elle vient d'une dérive très occidentale et moderne. Dans beaucoup de sociétés, quand on commence à raconter des contes sérieux, les enfants vont se coucher... Mon hypothèse est que les contes constituent la littérature des illettrés. Ce sont des histoires qui ont circulé dans le peuple, qui ne savait ni lire ni écrire, et qui remontent peut-être aux temps où l'écriture n'existait même pas. Ces histoires ont été sans doute en grande partie véhiculées par les femmes. Car les illettrés des illettrés, les négligeables des négligeables, c'étaient évidemment les femmes. Les contes ont donc été considérés comme la littérature des ignorants et, à partir du moment où la société s'est civilisée, et où l'école est apparue, devenant même obligatoire, et où tout le monde a appris à lire et à écrire, les ignorants parmi les ignorants sont devenus les petits enfants. Il y a donc eu une sorte de glissement et de confusion entre littérature des pauvres et littérature pour enfants. Or, c'est faux pour ce qu'on appelle les « sociétés primitives », et dans une grande partie du monde occidentale. » « Il faut observer comment les contes s'y sont pris pour se faufiler à travers le temps, comment ils se sont servis du mépris dont ils étaient l'objet pour se donner des forces, pour passer quand même, comment ils nous disent que l'importance d'une parole ne se mesure pas au bruit qu'elle fait : les contes ne sont jamais passés au journal de vingt heures ! Aujourd'hui, on pense que l'importance d'une parole se mesure au bruit qu'elle fait, au fait que dix millions, cinquante millions, cent millions de personnes l'entendent. On peut dire une ineptie entendue par cinq cents millions de personnes, ça n'en reste pas moins une ineptie. Le conte, lui, n'est jamais entendu par des millions de personnes, mais il a été entendu par cent millions de fois une personne. Dans le secret d'un lit, d'un coin de feu, d'une parole qui se faufile partout, comme la vie... » « Vous savez, Bouddha n'a pas arrêté de dire des contes, et pas à des enfants. Et le Christ ! Et je ne parle pas d'Homère ni des auteurs du Màhâbhârata ! Toutes les traditions spirituelles, les soufis, les moines zen racontent des contes, et ce ne sont pas des histoires tout justes bonnes à endormir les petits. Mais je suis persuadé que si le conte a survécu, c'est justement grâce au mépris dont il a été 'victime. Parce que ainsi, on ne s'en est pas préoccupé, on n'a pas essayé de le manipuler pour en faire du pouvoir, on l'a laissé vivre. Le conte n'était pas récupérable par les lettrés, qui n'allaient pas s'abaisser à tenter de démontrer qu'une citrouille ne peut pas se transformer en carrosse. Ainsi, les contes se sont faufilés à travers les siècles parce qu'on ne s'en occupait pas. Le conte n’est pas de chair et ne peut donc ni pourrir ni se défaire. C’est une immense leçon de vie : Soyons comme les contes, ils ne nous enseignent pas seulement par ce qu’ils disent, mais par la manière dont ils vivent. Regardez-les vivre et prenez modèle. Pour moi, c’est une telle leçon de vie que j’ai pris les contes comme maîtres. Ils m’ont dit : « sois fluide ! Ne te fixe pas ! Ne t’accroche à aucune opinion ! Ni à aucune personne ! Mais sois perpétuellement aimant. » (Henri Gougaud) (Extrait du livre « Donner du sens à sa vie » sous la direction de Marc de Smedt et de Patrice Van Eersel) | |
| | | Nelly Admin
| Sujet: Re: Contes philosophiques Lun 13 Fév - 16:28 | |
| - renal a écrit:
- Pour ceux qui aiment les contes,
Intéressant, Nicole. C'est vrai qu'on ne se rend pas compte qu'ils ont pu être pensés ainsi. il en est de même pour les vitraux dans les églises ou les cathédrales, les décors de bâtiments, les tableaux d'anciens maîtres... Tous était destinés à l'instruction, car il n'y avait aucun autre moyen de d'expliquer à tout un chacun ce qui se passait. Et il n'y avait pas que les femmes ! | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Sam 25 Fév - 15:09 | |
| La tache
Autrefois vécut un guerrier qui se trouva cinq ans durant pris de passion pour une femme. Elle était subtile, sensible, fraîche et belle comme un printemps, sauf qu'elle avait dans son œil droit un point blanc, une tache infime aussi menue qu'un grain de sel. L'homme, d'abord, ne la vit pas. Le temps passa. Hélas, tout passe. Son cœur brûlant se refroidit. Il fronça, un jour, les sourcils. - Femme, dit-il, viens au soleil, que je voie de près ta figure. Tu as une tache dans l'œil. Depuis quand est-elle apparue? Elle répondit, la tête basse : -Depuis que tu ne m'aimes plus (Henri Gougaud) | |
| | | Nelly Admin
| Sujet: Re: Contes philosophiques Sam 25 Fév - 19:04 | |
| - renal a écrit:
- La tache
Elle répondit, la tête basse : -Depuis que tu ne m'aimes plus Eh bien, c'est profond, tout ça et tellement vrai. Merci. | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mar 6 Mar - 12:30 | |
| Le peu et le beaucoup
Djeha transportait sur son âne deux couffes remplis de raisin. Il revenait d’une vigne où il était allé l’acheter afin de le revendre au souk le lendemain matin. Arrivé près de chez lui, il fut assailli par des enfants du quartier qui voulaient goûter son raisin. Ils couraient autour de l’âne en criant : - Donne-moi une grappe ! Donne-moi une grappe ! Djeha finit par s’arrêter. Les grappes étaient grosses et, en en donnant une à chacun, il aurait sacrifié la moitié du raisin acheté. Il ne pouvait offrir qu’un seul grain à chaque enfant. C’est ce qu’il fit. - Pourquoi n’en donnes-tu pas plus ? protestèrent-ils. - Mes enfants, leur expliqua Djeha, le goût d’un grain de raisin est le même que celui de toute une grappe. Il n’y a donc, sous ce rapport, aucune différence entre le peu et le beaucoup. (Extrait du livre « Contes des sages Djeha et Nasreddine Hodja) | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mer 7 Mar - 7:54 | |
| Qu’est-ce qui existe ?
Un jeune étudiant du zen, assez imbu de lui-même, allait d'un maître à l'autre pour les questionner. Un jour il rendit visite à un moine ermite, célèbre pour son laconisme et son flegme, et lui dit : - Tout est appelé à disparaître, tout change et se transforme, nous sommes différents de seconde en seconde, je considère donc que rien n'existe vraiment. Qu'en pensez-vous ? Le moine fumait une grosse pipe à long tuyau en bambou : il continua tranquillement, sans dire un mot, à tirer sur sa bouffarde de longues minutes durant. Et soudain, il en asséna un grand coup sur la tête de son visiteur, qui hurla de douleur et de colère. - Si rien n'existe, d'où viens ta douleur, d'où viens ta colère ? lui dit alors le moine. Le jeune homme comprit et s'inclina en silence.
(Contes extrait de « Sagesses et malices du Zen ») | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mer 7 Mar - 7:56 | |
| La voix de la vallée
Un moine novice vint voir le père abbé d’un temple de montagne : - Je suis jeune et anxieux, dit-il. J’aimerais tant comprendre la Voie du zen. Me feriez-vous grâce de m’en montrer le chemin ? L’abbé lui répondit : - Entends-tu le murmure de l’eau du torrent dévalant la montagne ? Après un temps de silence, le moine dit : - Oui je l’entends. L’abbé dit alors : - Ceci est la porte que tu cherches. On n’écoute jamais assez ce que la situation présente veut dire. (Contes extrait de « Sagesses et malices du Zen ») | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Ven 9 Mar - 14:16 | |
| C’était aux temps lointains. Cet homme et cette femme un beau jour se marient. Un an passe. Bonheur parfait. Deux ans s’écoulent. Orages, éclats. Trois ans s’achèvent. C’est la guerre. Un matin la femme se lève et s’en va. L’homme la poursuit. - Femme, reviens ! Que veux-tu ? Me faire enrager ? Il gèle, tu vas t’enrhumer ! Sa compagne, les coudes aux flancs, allonge encore l’enjambée. L’homme s’essouffle et perd courage. Il s’arrête, lève le front, appelle à l’aide le soleil. - Si tu aimes vraiment ta femme, lui dit le père de la vie, cesse d’attiser vos disputes. - Sur ma vie j’en fais le serment. - C’est bien, dit le soleil. Je m’occupe du reste. Il s’en va, rejoint la fuyarde. Il fait éclore des myrtilles devant elle, sur le sentier. Il y en a soudain des milliers sur les buissons émoustillés, mais la femme poursuit sa route, l’œil fixe, les sourcils froissés. « Elle est vraiment très en colère », pense le soleil, étonné. Au bord de ses pieds furibonds il met au monde des framboises. Elle en écrase quelques unes, renifle mais va son chemin. Le soleil déploie devant elle un tapis de fraises des bois. La femme hésite, puis fait halte, s’accroupit, hume leur parfum. Le bonheur lui revient au cœur. Elle se surprend même à penser : « Quand mon époux (que Dieu le garde !) goûtera ces merveilles-là, s’il les mange dans ma main creuse il en lèchera mes dix doigts. » Elle voit soudain sur elle une ombre. Elle lève le front. C’est son homme. Tous deux font récolte de tout, tant de délices que de paix. Les premières fraises du monde vinrent ainsi dans nos contrées. (Henri Gougaud, L’Almanach)
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| Sujet: Re: Contes philosophiques Sam 12 Mai - 7:51 | |
| Voici un conte, dont l'histoire aurait pu servir de devinette !!!
La bonne question - Si j’ai bien compris, Samuel, ton ambition est d’être un jour le maître le plus vénérable de Varsovie et sa banlieue. - En effet, rabbi, je l’avoue. J’aimerais être assez savant pour qu’aucune question au monde ne puisse me clouer le bec. Je veux avoir réponse à tout. - Et donc pour cela, mon garçon, tu apprends par cœur le Talmud. - J’en ai lu déjà cent-deux pages et quatorze lignes et demi. - Félicitations, Samuel. Tu auras donc, assurément, la réponse à l’énigme simple que j’aimerais te proposer. Veux-tu l’entendre ? - Volontiers.
- Ecoute donc, et imagine. Deux malfaiteurs, une maison. A l’intérieur, un coffre-fort. Toutes les issues sont fermées. Par où passer ? Ils s’interrogent. Ils trouvent : par la cheminée. Ils escaladent une gouttière, trottent sur le faîte du toit, se faufilent dans le conduit, tombent dans les cendres de l’âtre. Ils se relèvent. Ils se regardent. L’un est noir de suie, l’autre non. Il est propre comme un sou neuf Lequel des deux va se laver ? - Trop facile, rabbi. Le noir. - Erreur, Samuel. Réfléchis. Le noir voit son compère blanc. Il se croit donc semblable à lui. Mais le blanc, voyant l’autre noir, s’imagine noir, comme lui. Tu me suis ? Alors, qui se lave ? - Le blanc, rabbi. - Mais pas du tout ! Le blanc va se laver, d’accord. Logiquement, que fait le noir, quand il voit l’autre sous la douche ? - Oui, bien sûr, il y va aussi. Ils se lavent donc tous les deux. - Samuel, mon fils, reste calme. Respire bien. Concentre-toi. Tu vois, je ne m’énerve pas, mais sacré bon sang de bonsoir, ne tire pas trop sur la corde. Je répète donc ma question. Deux voleurs (non, je ne crie pas) descendent par la cheminée. L’un arrive noir, l’autre blanc. Qui va se laver, mille diables ? - C’est pas les deux ? - Non, non et non ! Le noir ne va pas se laver puisqu’il voit son compère blanc. Et pourquoi le blanc irait-il quand le noir n’y va même pas ? Tu as compris, tête de mule ? - Oui, oui, rabbi, c’est bon, c’est clair, tout va bien, aucun ne se lave. - Tu sais que tu me désespères ? Non, je ne veux pas te froisser, mais tu me sembles bien parti pour le balayage des rues les jours de grand vent sur la ville. Bougre de borgne du cerveau, deux voleurs, une cheminée. Imagine. Visualise. L’un est noir de suie, c’est normal. Comment l’autre pourrait-il être, le cul dans l’âtre, immaculé ? Avant de penser aux réponses, tu dois apprendre, mon garçon, à poser les bonnes questions. Le chemin du savoir est long. Tu n’es qu’au seuil de ta maison. Un pas après l’autre. On commence.
(Henri Gougaud, Le livre des chemins) http://www.henrigougaud.fr
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| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Ven 29 Juin - 7:33 | |
| L’eau
Quelques jours plus tard, un matin (nous étions à nouveau au bord de la rivière), El Chura m’a pris par le bras et m’a soufflé à l’oreille : - Aujourd’hui tu vas apprendre son langage. Elle a des choses à te dire. - Comment apprendre le langage de l’eau, Chura ? - Plonge ton visage dedans, et écoute. - Mais, Chura, je vais m’étouffer. - Cesse de te raconter des histoires. Fais ce que je te dis. Il a tourné les talons, et il est parti. Il n’était pas loin de midi. J’ai hésité à m’agenouiller là, sur la berge de la rivière. Quelqu’un pouvait à tout instant venir. Je craignais de passer pour un jobard si j’étais surpris à plonger ma tête dans le courant, le cul en l’air, comme un flamant rose. J’ai décidé de grimper dans la montagne, où je connaissais un petit lac. En haut du sentier, l’air était immobile, doux, simple. Je me suis arrêté. J’ai regardé l’eau, en bas, dans son creux volcanique. Sa lumière s’est faite aussitôt bienveillante. Un oiseau a piqué vers la surface bleue. L’eau s’est à peine émue. Je me suis dit : « Elle rit. » Je me suis laissé aller sur la pente. Mes pas ont réveillé des cailloux, ils sont partis devant en bondissant les uns par-dessus les autres, pareils à de petits êtres turbulents. Le soleil était là, suspendu au-dessus de ma tête, à rire lui aussi. Le cœur me battait fort. J’étais comme un enfant qui va vers un cadeau. D’un moment, sur le rivage, une sorte de timidité sacrée m’a retenu. Je craignais de faire du bruit. J’étais seul dans le silence de la montagne. Je devais accomplir un rite, et je me sentais maladroit. J’ai regardé l’herbe. Elle m‘a dit : « Va, ce n’est pas grave, c’est un jeu. » Je me suis accroupi, j’ai pris un grand coup d’air, j’ai enfoncé ma tête dans l’eau, lentement, et j’ai osé ouvrir les yeux. Le soleil, au fond, caressait le sable, et le sable scintillait. Des millions d’étoiles, au gré de la houle, naissaient, s’éteignaient, renaissaient ailleurs. Comme je contemplais cela, je me suis soudain senti prodigieusement vaste, sans questions, sans espoir, sans peur aucune, tranquille comme un dieu veillant sur l’univers. L’eau faisait à mes oreilles une rumeur d’océan. J’ai eu un instant la sensation que des mains amoureuses palpaient ma figure, mon cou, mon crâne. J’ai relevé la tête. J’ai retrouvé l’air du jour, le soleil. J’ai vu mon reflet tourmenté par la pluie de gouttelettes qui retombaient à l’eau. Je n’étais plus qu’un petit homme, presque rien. Je me suis frotté les yeux. La montagne, le ciel, l’herbe m’ont paru tout proches, complices, attentifs. J’ai plongé à nouveau et j’ai plongé encore jusqu’à m’enivrer de cette découverte : au-dedans j’étais un dieu, au-dehors j’étais un nain. Au-dedans j’étais en paix, au-dehors j’étais en doute. Je suis redescendu vers le village. El Chura m’attendait devant ma cabane. Je lui ai raconté ce qui s’était passé. Il m’a dit - L’eau est une porte. Le vent, la pluie, la nuit, la neige, les pierres sont aussi des portes. Par n’importe laquelle de ces portes tu peux entrer dans la paix.
(Henri Gougaud, Les sept plumes de l’aigle) http://www.henrigougaud.fr/
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| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Ven 2 Nov - 18:47 | |
| Un roi vindicatif
C’était un roi vindicatif, hargneux, vaniteux, mal vivant. Son plaisir ? Effrayer les gens, les tenir là, sous son regard, et faire semblant d’hésiter entre les renvoyer d’un geste ou leur faire couper le cou. Or, il apprit un jour qu’au marché de la ville était un homme sans souci. Il était vieux, ce vivant-là, et si quelqu’un venait à lui avec quelque souffrance d’âme, il savait trouver aussitôt les paroles qui guérissaient. - Il a réponse à tout ? marmonna le tyran. Nous allons voir. Qu’on me l’amène. Deux gardes allèrent le chercher. Voici le vieux sous l’arbre où trônait le monarque. - Bonhomme, lui dit-il, je ne suis pas de ceux qui se laissent gruger par les marchands de vent. Si je te pose une question, je veux une réponse claire. Pas d’entourloupe, du précis, sinon je te tranche la tête. Tu vas donc répondre à ceci. Il cogna de sa canne d’or contre l’accoudoir de son siège. - Qui, du fauteuil ou du bâton, a fait ce bruit, ce « bong » que nous venons d’entendre ? - Majesté, lui répondit l’autre, je le dirai si tu réponds précisément à la question que je vais aussi te poser. Mais promets d’épargner ma vie si ta bouche reste muette. Le monarque, intrigué, promit. Alors le vieux leva la main et flanqua sur la joue royale une si franche et belle baffe qu’elle fit taire les rossignols. - Qui, de ma main ou de ta face, ô majesté, dit le vieillard, a fait ce « flap » indiscutable que l’on vient d’entendre sonner ? (Henri Gougaud, L’Almanach)
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| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mer 26 Juin - 11:40 | |
| LE CONTEUR PHILOSOPHE DE MICHEL PIQUEMAL
Sophios nous conta une autre histoire, dont je compris qu'elle m'était destinée, à moi le novice, à moi l'étranger...
Le droit d’être différent
Les grands de ce monde ont coutume de maintenir leur bonne entente par de petits cadeaux. Aussi, un jour, l'ambassadeur de Turquie fit porter au roi de Hollande les bulbes précieux d'une plante de son pays qu'il appelait «tulipe». Sans attendre, le jardinier du roi planta les bulbes en terre, mais son geste
souleva dans les allées une vraie tempête :
- Pas d'étrangères chez nous! s'écrièrent les autres fleurs, Elles vont déparer au milieu de nos belles couleurs ! Les embryons de tulipes, qui les entendirent, restèrent donc honteusement cachés au fond des bulbes. Les jours passaient, mais rien ne sortait. Le jardinier, qui était un peu sorcier, se douta qu'il y avait anguille sous roche et fit sa petite enquête auprès des tulipes cachées. Que se passe-t-il ? murmura-t-il. Pourquoi ne voulez-vous pas sortir de terre ?
Quand il apprit le fin mot de l'histoire, il se dressa sur ses deux jambes et apostropha le jardin :
- Vous n'avez pas honte ? Comment osez-vous traiter les tulipes d'étrangères ? Voulez-vous que je vous rappelle vos origines?... (Silence gêné!) Toi, l'œillet, tu viens d'Amérique... Toi, le chrysanthème, de Chine... Vous, le dahlia et le zinnia, du Mexique... Toi, l'hibiscus, tu as grandi sous les tropiques... Et toi, le camélia, dans la plus lointaine Asie...
Toutes les fleurs baissèrent leur tige...
Elles s'excusèrent sans tarder auprès des tulipes, qui acceptèrent de sortir de leur nid de racines.
Le jardinier s'éloigna en maugréant:
- Qui sait si celle que vous appelez «étrangère» ne sera pas un jour le symbole même de ce pays ? Il en est souvent ainsi avec les «étrangers».. | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Mar 1 Oct - 7:29 | |
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| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 6 Oct - 10:23 | |
| La Fable et la Vérité
La Vérité, toute nue, Sortit un jour de son puits. Ses attraits par le temps étaient un peu détruits ; Jeunes et vieux fuyaient sa vue. La pauvre vérité restait là morfondue, Sans trouver un asile où pouvoir habiter. A ses yeux vient se présenter La Fable, richement vêtue, Portant plumes et diamants, La plupart faux, mais très brillants. « Eh ! Vous voilà ! Bonjour, dit-elle : Que faites vous ici seule sur ce chemin ? » La Vérité répond : Vous le voyez, je gèle ; Aux passants je demande en vain De me donner une retraite, Je leur fais peur à tous : hélas ! Je le vois bien, Vieille femme n’obtient plus rien. - Vous êtes pourtant ma cadette, Dit la Fable, et sans vanité, Partout je suis fort bien reçue : Mais aussi, dame Vérité, Pourquoi nous montrer toute nue ? Cela n’est pas adroit : tenez, arrangeons-nous ; Qu’un même intérêt nos rassemble : Venez sous mon manteau, nous marcherons ensemble. Chez le sage, à cause de vous, Je ne serais point rebutée ; A cause de moi, chez les fous Vous ne serez point maltraitée : Servant, par ce moyen, chacun selon son goût, Grâce à votre raison, et grâce à ma folie, Vous serrez, ma sœur, que partout Nous passerons de compagnie. »
(Jean Pierre Claris De Florian)
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| | | stip ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 6 Oct - 11:57 | |
| Pauvre vérité! Est-elle si laide,monsieur de Florian, pour vous faire ainsi peur? Pourtant s'y côtoient le pire et le meilleur. Et Je la tiens à l'origine de toutes les avancées de l'humain quand il ose la regarder en face sereinement. Et si parmi les fables, certaines servent la vérité sans ambage et n'en sont pas moins cruelles comme celles de Monsieur De La Fontaine, il en est d'autres parées d'or qui sont fort trompeuses. Ce n'est que mon avis. | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Ven 11 Oct - 5:46 | |
| Le Lierre et le Thym
« Que je te plains, petite plante ! Disait un jour le lierre au thym : Toujours ramper, c’est ton destin ; Ta tige chétive et tremblante Sort à peine de terre, et la mienne dans l’air, Unie au chêne altier que chérit Jupiter, S’élance avec lui dans la nue. - Il est vrai, dit le thym, ta hauteur m’est connue ; Je ne puis sur ce point disputer avec toi ; Mais je me soutiens par moi-même ; Et, sans cet arbre, appui de ta faiblesse extrême, Tu ramperais plus bas que moi. »
Traducteurs, éditeurs, faiseurs de commentaires, Qui nous parlez toujours de grec ou de latin Dans vos discours préliminaire, Retenez ce que dit le thym.
(Jean Pierre Claris De Florian)
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| | | Nelly Admin
| Sujet: Re: Contes philosophiques Ven 11 Oct - 16:16 | |
| - renal a écrit:
- Et, sans cet arbre, appui de ta faiblesse extrême,
Tu ramperais plus bas que moi. »
Traducteurs, éditeurs, faiseurs de commentaires, Qui nous parlez toujours de grec ou de latin Dans vos discours préliminaire, Retenez ce que dit le thym.
(Jean Pierre Claris De Florian) Quelle leçon ! _________________ Bienvenue à toi Invité et reviens nous voir souvent.
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| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 13 Oct - 7:55 | |
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Le philosophe et le Chat-huant
Persécuté, proscrit, chassé de son asile, Pour avoir appelé les choses par leur nom, Un pauvre philosophe errait de ville en ville, Emportant avec lui tous ses biens, sa raison. Un jour qu’il méditait sur le fruit de ses veilles, C’était dans un grand bois, il voit un chat-huant Entouré de geais, de corneilles, Qui le harcelaient en criant : « C’est un coquin, c’est un impie, Un ennemi de la patrie ; Il faut le plumer vif : oui, plumons, plumons, Ensuite nous le jugerons. » Et tous fondaient sur lui, la malheureuse bête, Tournant et retournant sa bonne et grosse tête, Leur disait, mais en vain, d’excellentes raisons. Touché de son malheur, car la philosophie Nous rend plus doux et plus humains, Notre sage fait fuir la cohorte ennemie, Puis dit au Chat-huant : « Pourquoi ces assassins En voulaient-ils à votre vie ? Que leur avez-vous fait ? » L’oiseau lui répondit : « rien du tout, mon seul crime est d’y voir clair la nuit. »
(Jean Pierre Claris De Florian) | |
| | | anémone ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 13 Oct - 8:08 | |
| merci Nicole...Tu vois toute vérité est parfois difficile et la dire et la démontrer nous met en danger ! | |
| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Jeu 17 Oct - 7:20 | |
| Le Rossignol et le Prince
Un jeune prince, avec son gouverneur, Se promenait dans un bocage, Et s’ennuyait suivant l’usage ; C’est le profit de la grandeur. Un rossignol chantait sous le feuillage ; Le prince l’aperçoit, et le trouve charmant ; Et, comme il était prince, il veut dans le moment L’attraper et le mettre en cage. Mais pour le prendre il fait du bruit, Et l’oiseau fuit. « Pourquoi donc, dit alors son altesse en colère, Le plus aimable des oiseaux Se tient-il dans les bois, farouche et solitaire, Tandis que mon palais est rempli de moineaux ? - C’est lui dit le mentor, afin de vous instruire de ce qu’un jour vous devez éprouver : les sots savent tous se produire le mérite se cache, il faut l’aller trouver. »
(Jean Pierre Claris De Florian)
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| | | renal ******
| Sujet: Re: Contes philosophiques Dim 20 Oct - 8:18 | |
| L'AVEUGLE ET LE PARALYTIQUE
Aidons-nous mutuellement, La charge des malheurs en sera plus légère ; Le bien que l'on fait à son frère Pour le mal que l'on souffre est un soulagement. Confucius l'a dit ; suivons tous sa doctrine : Pour la persuader aux peuples de la Chine, Il leur contait le trait suivant.
Dans une ville de l'Asie Ii existait deux malheureux, L'un perclus, l'autre aveugle, et pauvres tous les deux. Ils demandaient au ciel de terminer leur vie : Mais leurs cris étaient superflus, Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique, Couché sur un grabat dans la place publique, Soufflait sans être plaint; il en soufflait bien plus. L'aveugle, à qui tout pouvait nuire, Était sans guide, sans soutien, Sans avoir même un pauvre chien Pour l'aimer et pour le conduire. Un certain jour il arriva Que l'aveugle à tâtons, au détour d'une rue, Près du malade se trouva; II entendit ses cris, son âme en fut émue. Il n'est tels que les malheureux Pour se plaindre les uns les autres. «J'ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres : Unissons-les, mon frère; ils seront moins affreux. - Hélas ! dit le perclus, vous ignorez, mon frère Que je ne puis faire un seul pas; Vous-même vous n'y voyez pas: À quoi nous servirait d'unir notre misère. - À quoi? répond l'aveugle, écoutez: à nous deux Nous possédons le bien à chacun nécessaire, j'ai des jambes, et vous des yeux. Moi, je vais vous porter; vous, vous serez mon guide Vos yeux dirigeront mes pas mal assures, Mes jambes à leur tour iront où vous voudrez: Ainsi, sans que jamais notre amitié décide Qui de nous deux remplit le plus utile emploi, Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi.»
(Jean Pierre Claris De Florian)
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